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La lutte biologique, alternative aux produits phytosanitaires chimiques

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Revue bibliographique

S. Sellami *

S. Tounsi

k. Jamoussi

 

Centre de Biotechnologie de Sfax, Laboratoire des Biopesticides, B .P. “1177” 3018. Sfax,Tunisie

 

Abstract - Without controlling devastating pests, organisms responsible of plant diseases (fungi, bacteria or virus) and weeds, the agricultural and forest losses can be very important. So, it is undeniable that the expansion and the agricultural productivity adopt optimal management strategies of these destructive pests, diseases and weeds to minimize their effects on the environment. For controlling these cultures enemies, the producers used frequently the chemical pesticides which caused many problems like the lack of specificity, and the damage to the health since they are generally corrosive, irritating, and inflammable. They could also lead to many diseases, accumulate and pollute the environment. For these reasons, more safe substituted solutions for the humans and animals were adopted such us the integrated pest management, the physical, the biochemical and the biological pest controls. The biological pest control was defined as a procedure which involves living organisms or active substances to controlling pests. It includes predators, parasitoïds, botanical insecticides and microorganisms among them bacteria, viruses, protozoa, nematodes and microfungi. Since the employment of this strategy is rather healthy and friendly to the environment, it became the main method to overcoming any harmful organism.

 

keywords : devastating pests, chemical pesticides, physical controls, biochemical controls, biological controls

 

Résumé - Sans contrôle des insectes ravageurs, des agents responsables de maladies (champignons, bactéries ou virus) et des mauvaises herbes, les pertes agricoles et forestières peuvent être très importantes. Ainsi, il est indéniable que l’expansion et la productivité agricole passent par une gestion optimale de ces ravageurs, maladies et mauvaises herbes en minimisant leurs effets sur l’environnement. Pour lutter contre ces ennemis des cultures, les producteurs ont eu souvent recours à l’utilisation des pesticides chimiques qui présentent plusieurs inconvénients tels que la non spécificité envers les organismes non cibles, la nuisibilité de la santé puisqu’ils sont généralement corrosifs, irritants, et inflammables, pouvant induire des maladies et également s’accumuler et polluer l’environnement. Pour ce faire, des solutions de substitution plus inoffensives pour l’homme et les animaux ont été adoptées parmi lesquelles la lutte intégrée, la lutte physique, la lutte biochimique et la lutte biologique. Cette derniére se définit comme étant une procédure qui fait intervenir l’emploi d’organismes vivants ou de substances actives pour lutter contre d’autres organismes néfastes. Elle englobe l’utilisation de prédateurs, parasitoïdes, insecticides botaniques et de micro-organismes parmi lesquels les bactéries, les virus, les protozoaires, les nématodes et les microchampignons. Puisque l’utlisation de cette stratégie est plutot saine pour la santé et l’environnement, elle est devenue la majeure préoccupation pour conquérir tout organisme nuisible.

 

Mots clés : ravageur, pesticides chimiques, lutte intégrée, lutte physique, lutte biologique.

 

1. Introduction 

Les insectes ravageurs, les agents responsables de maladies (champignons, bactéries ou virus) et les mauvaises herbes, participent grandement à la diminution de la productivité agricole qui peut atteindre 70% de pertes (Popp et al. 2013). Pour lutter contre ces ennemis de culture, les producteurs ont eu souvent recours à l’utilisation des pesticides chimiques tels que les insecticides, les herbicides et les fongicides qui apportent des bénéfices mais détruisent parfois l’environnement et la santé humaine (Rice et al. 2007). En plus, l’application de la lutte chimique a connu plusieurs dérives. En effet, elle provoque comme toute pression de sélection l’émergence de génotypes résistants (Kranthi et al. 2001 ; Pray et al. 2002 ; Shelton et al. 2002), poussant les agriculteurs à sur-doser, à augmenter les fréquences d’utilisation parfois sans respecter les conditions d’application (stades du ravageur, traitement préventif ou curatif, délai avant récolte, etc.) et à utiliser des produits très toxiques aggravant ainsi la situation. Cette situation est néfaste aussi bien pour l’environnement que pour le budget de l’agriculteur, en plus du refoulement des fruits exportés à l’étranger suite au non respect des doses de pesticides autorisées par les pays importateurs.

Les composantes des pesticides chimiques ne permettent pas de sélectionner les insectes cibles, elles affectent toutes les espèces avoisinantes ce qui provoque la destruction de plusieurs espèces d’oiseaux et de mammifères locales et d’insectes utiles (faune auxiliaire ou faune non cible) favorisant ainsi un déséquilibre de la chaîne alimentaire et la pullulation d’un certain nombre de ravageurs reconnus comme secondaires. De plus, cette utilisation intempestive, inconditionnelle et irrationnelle de ces produits provoque la pollution de l’eau (nappe phréatique), du sol et de l’air, la persistance de résidus non biodégradables dans la nature et l’apparition de problèmes de santé (tels que les problèmes de fertilité, les tumeurs cérébrales…), à la fois chez les agriculteurs et les consommateurs puisque ces pesticides peuvent être absorbés par la peau, avalés ou inhalés.

Ainsi, depuis le premier cas enregistré de résistance de l’homoptère Diaspidiotus perniciosus (le pou de San José) aux polysulfures dans les vergers de l'Illinois en 1905 puis les cas de résistance aux pesticides chimiques tels que le lindane, le malathion et les pyréthrinoïdes, il devient nécessaire d’établir de nouvelles stratégies visant à diminuer l’impact des produits phytosanitaires sur la santé publique et l’environnement, essentiellement par le développement de la lutte intégrée et l’utilisation de pesticides biologiques.

Pour se débarrasser de ces problèmes, des alternatives des pesticides chimiques ont été utilisées à savoir la lutte intégrée ou gestion intégrée des ennemis des cultures, qui englobe des moyens de protection et des moyens de lutte, la lutte physique faisant appel à l’utilisation de l’énergie pour éliminer les insectes ravageurs , la lutte biochimique en utilisant les phéromones et la lutte biologique qui fait impliquer l’utilisation d’organismes vivants ou de les produits quie en dérivent pour lutter contre d’autres organismes néfastes. En effet, l’utilisation des pesticides biologiques ou biopesticides présentent plusieurs avantages tel que la diminution des risques de développement de résistance, la grande spécificité envers des organismes cibles, la plus efficace action même à des quantités très faibles, ainsi que la réduction de la pollution puisqu’ils sont généralement biodégradables.

Plusieurs raisons justifient le choix de ces pesticides biologiques ou biopesticides. En effet, ils restreignent ou éliminent l’utilisation des pesticides chimiques, sont moins toxiques que les pesticides chimiques, diminuent les risques de développer de la résistance, ont une plus grande spécificité d’action et sont efficaces à des quantités très faibles (Xu et al. 2011). Par ailleurs, ils améliorent la qualité de vie des travailleurs agricoles, n’exigent pas de délai requis avant récolte, offrent aux consommateurs des produits sains qui ont une meilleure presse auprès des consommateurs. Ils se dégradent rapidement diminuant ainsi le risque de pollution (Yovo et al. 2007). Les produits considérés comme des biopesticides par les agences de règlementation européennes et mondiales sont d’origines diverses. Ils peuvent être classés en trois grandes catégories, selon leur nature : les biopesticides microbiens, les biopesticides végétaux et les biopesticides animaux (Chandler et al. 2011 ; Leng et al. 2011).

 

2. La lutte intégrée

La lutte intégrée ou gestion intégrée des ennemis des cultures (IPM, Integrated Pest Management) peut être définie comme étant une méthode décisionnelle qui a recours à toutes les techniques nécessaires pour réduire les populations d'organismes nuisibles de façon efficace et économique, tout en respectant l'environnement. Elle combine différentes connaissances sur la biologie des ravageurs, les maladies, les auxiliaires (cycle de développement, notion de seuil de tolérance...), les techniques culturales (méthodes culturales, matériel utilisé...) et des données physico-chimiques. Elle cherche également à optimiser les mesures prophylactiques, le choix du produit phytosanitaire pour un traitement donné et respecte la faune antagoniste. La lutte intégrée contre les ravageurs est un système qui associe différents moyens de protection et de lutte qui comportent des méthodes culturale, physique, biologique, biochimique et chimique mais en minimisant l’usage des pesticides de synthèse (Figure 1). Elle comporte des moyens de protection et des moyens de lutte.

 

Moyens de protection : rotations culturales, procédés mécaniques (séparation des ravageurs de leurs cibles, transformation (la cuisson à demi) / emballage), procédés physiques de protection (stockage en milieu étanche à l'air ou en présence de gaz inerte, mise en œuvre de hautes et basses températures, traitement par rayonnements à ondes courtes).

Moyens de lutte : méthodes biologiques de lutte (prédateurs, parasitoïdes, agents pathogènes (bactéries, virus, protozoaires), procédés biotechnologiques (appâtage : méthode sûre et favorable à l'environnement, phéromones/attractifs/répulsifs, inhibiteurs de croissance, variétés de culture résistantes aux ravageurs (OGM)) et produits chimiques (> 97%).

 

Figure 1 : Approches de protection des plantes-Approachs of plants protection.

 

2.1. Les méthodes culturales et la résistance variétale

C’est l’ensemble des méthodes culturales défavorisant les ravageurs des récoltes (Herzog et Funderburk 1986). Il existe plusieurs types de lutte culturale comme les rotations des cultures (succession de cultures qui se reproduit dans le temps en cycles réguliers, par des rotations biennales, triennales, quadriennales ...) les bicultures (la culture de deux produits) ou plusieurs associations de plantes, l’anticipation ou le retardement des saisons de semis ou de récolte, l’assainissement des plantations après les récoltes, le sarclage des mauvaises herbes aux alentours des plantations, etc.

D’autre part, la résistance variétale est la capacité pour une variété de plante d’obtenir une bonne productivité malgré la présence de ravageurs (McKinley et al. 1988). Il s’agit de deux mécanismes : l’antixénose, quand la plante par sa physiologie, sa morphologie ou sa phénologie (structures des organes, goût, odeur, couleur, longueur de son cycle de développement) repousse ou amoindrit les dommages causés par les ravageurs et l’antibiose, quand la plante est capable de produire une substance pouvant empêcher le développement du ravageur (Smith et al. 1989 ; Van Edem et al. 1987).

 

2.2. La lutte physique

La lutte physique en protection des plantes et des denrées alimentaires regroupe toutes les techniques de lutte dont le mode d’action primaire ne fait intervenir aucun processus biologique, biochimique ou toxicologique. Il existe deux types fondamentaux de méthodes en lutte physique: les méthodes actives qui utilisent de l’énergie au moment de l’application pour détruire, blesser stresser ou encore enlever les ennemis des cultures du milieu et les méthodes passives qui procèdent par une modification du milieu et ont un caractère plus durable tel que l’emploi d’emballage pour isoler les denrées alimentaires des insectes nuisibles. On peut également classer les méthodes physiques selon le mode d’utilisation de l’énergie : la lutte mécanique (le sarclage des mauvaises herbes), la lutte thermique (à titre d’exemple le réchauffement des serres avant la plantation), la lutte électromagnétique (micro-ondes, radio-fréquences, infrarouge ; ces radiations électromagnétiques non-ionisantes tuent les insectes par réchauffement interne des individus) et la lutte pneumatique (soufflage/aspiration ; des courants d'air sont crées et délogent les insectes, lesquels meurent dans le transit des tuyaux (Mahr et al. 1993 ; Vincent et Chagnon 2000).

 

2.3. La lutte biochimique

Les pesticides biochimiques sont des substances naturelles qui contrôlent les ravageurs des plantes par des mécanismes non toxiques. Ils incluent des substances comme les phéromones sexuelles des insectes. En effet, ces dernières sont produites par les femelles pour attirer les males, elles permettent la rencontre des deux sexes et la reproduction de l’espèce. Les phéromones sexuelles peuvent être utilisées pour le piégeage des insectes ou la confusion sexuelle dans le but d’empêcher la rencontre et limiter la reproduction du ravageur visé. Citons par exemple les phéromones naturelles de Cydia pomonella, utilisée dans la lutte par confusion sexuelle dans les vergers de pommiers, poiriers, et noyers (Zarbin et al. 2007 ; Minarro et Dapena 2000).

 

3. La lutte biologique

La lutte biologique se définit comme étant l’utilisation d’organismes vivants ou de leurs produits pour lutter contre d’autres organismes jugés nuisibles. Il existe deux types de lutte biologique selon la nature de l’agent biocide répresseur utilisé : l’exploitation de biocides inertes (toxines dérivées de micro-organismes) et l’exploitation de biocides autonomes entomophages microbiens (champignons, virus, bactéries, protozoaires) ou animaux comme les prédateurs et les parasitoïdes. Au cours du temps, ce concept a subit une évolution et intègre dans sa définition actuelle toutes les formes non chimiques de contrôle des ravageurs des récoltes et des mauvaises herbes. Cette définition extensible rajoute à l’utilisation des biocides autonomes ou inertes, les méthodes culturales, la résistance variétale, les phéromones et juvénoides (inhibiteurs du développement des insectes), les insecticides botaniques et même les méthodes physiques de lutte. Ces méthodes biologiques offrent des solutions viables à cause de l’automatisme des micro-organismes entomopathogènes ou phytopathogènes, de leurs variété, spécificité, compatibilité intrinsèque avec la nature et de leur capacité d’évoluer avec et sans intervention humaine (Cloutier et Cloutier 1992 ; Dreistadt et al. 2004).

 

3. 1. Utilisation de prédateurs et de parasitoïdes

Les prédateurs tuent leurs proies pour satisfaire leurs besoins nutritifs. On distingue deux types de prédateurs à savoir les Sténophages et les Syrphidae. Les Sténophages ont des régimes alimentaires très étroits et leurs cycles biologiques sont synchronisés à ceux de leurs proies. Toutefois, les familles les plus utilisées sont certaines espèces de Syrphidae (les syrphes ou syrphides sont une famille de mouches dont la larve se nourrit de centaines de pucerons, qui dévorent nos récoltes), les Coccinellidae (ou coccinelles : une famille d'insectes de l'ordre des coléoptères il s’attaque aux pucerons) et les Euryphages (leur régime alimentaire est large pouvant utiliser des sources de nutrition non-animale comme le pollen, les champignons ou la matière végétale). On distingue certaines espèces du groupe des acariens et des insectes appartenant à l’ordre des Coléoptères, Dermaptères, Hemiptères, Neuroptères sont les plus utilisés (Begon et al. 1990 ; Pedigo et al. 1988).

Les parasitoïdes sont les entomophages qui, pour compléter leur cycle de vie, tuent leur hôte (Debach et al. 1973). Les parasitoïdes pondent à l’intérieur ou à la surface de l’hôte cible puis la larve issue de l’œuf se nourrit de son contenu et se développe pour se transformer en un adulte, ainsi le développement du parasite entraine la mort du ravageur. A titre d’exemple, le trichogramme qui appartient à la famille des micros-hyménoptères parasite les œufs de la pyrale du maïs. Les trois ordres les plus utilisés sont les Hyménoptères, les Diptères et les Coléoptères (Debach et al. 1979).

 

3.2. Les insecticides botaniques

Plus de 59 familles et 188 genres de plantes sont utilisés pour la répression des insectes ravageurs (Simmonds et al. 2000). Ces plantes contiennent des substances qui ont des propriétés anti-appétences, répulsives ou même insecticides.

Le biopesticide d’origine végétale le plus utilisé est l’huile de neem, un insecticide extrait des graines d’Azadirachta indica (Schmutterer 1990). Il contient plusieurs molécules actives dont l’azadirachtine, la nimbidine, la nimbidinine, la solanine, le déacétylazadirchtinol et le méliantriol. Le principal ingrédient actif de cette huile est l’azarachtine qui se définit comme un mélange de sept isomères de tétranortritarpinoïde possédant la propriété de perturber la morphogénèse et le développement embryonnaire des insectes (Correia et al. 2013; Srivastava et al. 2007).

Citons aussi la plante Tanacetum (Chrysanthemum) cinerariaefolium, plus communément appelé pyrèthre, est une plante herbacée vivace, dont les fleurs contiennent des principes actifs, appelés pyréthrines qui attaquent le système nerveux de tous les insectes.

Les plantes à pesticides intégrés (Plant Incorporated-Protectants, PIPs) sont des organismes modifiés par génie génétique, capables de produire et d’utiliser des substances pesticides afin de se protéger. Les PIPs les plus connues sont des plants de pommes de terre, maïs et coton ayant la particularité de produire la protéine Cry de B. thuringiensis (Meissle et al. 2011).

 

3.3. Les micro-organismes

La lutte biologique par l’utilisation de micro-organismes entomopathogènes assure une protection phytosanitaire performante vue l’ubiquité naturelle des agents microbiologiques dans les écosystèmes, leur grande variété, leur dissémination facile, leur spécificité d’action et aussi leur persistance dans l’environnement. Selon Ahmed et leather (1994), les formulations à base de micro-organismes deviennent de plus en plus performantes avec des prix compétitifs et leurs utilisations augmentent rapidement, de 10 à 25 % par année. Les micro-organismes utilisés en lutte microbiologique appartiennent à plusieurs taxons à savoir les virus, les bactéries, les micro-champignons, les nématodes et les protozoaires.

 

3.3. 1. Les bactéries

Selon Starnes et al. (1993), plus d’une centaine de bactéries ont été identifiées comme ayant un potentiel d’utilisation en lutte biologique. Ces bactéries entomopathogènes appartiennent surtout à trois grandes familles qui sont les Bacillaceae, Pseudomonaceae, et Enterobacteriaceae (Greathead et al. 1994). À l’heure actuelle, B. thuringiensis Berliner et B. sphaericus sont les plus utilisées en lutte contre les ravageurs (Rosas-Garcia 2009). Il existe parmi les espèces bactériennes du genre Bacillus d’autres espéces qui sont Bacillus amyloliquefaciens et B. subtilis capables de coloniser les racines des plantes et de produire des molécules de nature lipopeptidique qui sont les surfactines, les iturines et les fengycines qui peuvent soit activer les défenses des plantes, soit avoir un effet antibactérien ou antifongique direct (Pérez-Garcia et al. 2011). Des bactéries appartenant aux genres Pseudomonaceae ont également été développées en tant que biopesticides. En effet, la souche Pseudomonas chlororaphis MA342 a été utilisée pour la prévention et le traitement de certains champignons des graines de céréales comme Drechslera teres, agent de l’helminthosporiose de l’orge (Tombolini et al. 1999). Pseudomonas chlororaphis MA342 protège également le blé et le seigle contre la fusariose et la septoriose (Boulon 2010). D’autres bactéries se sont révélées efficaces comme les genres Xenorhabdus ou Photorhabdus (Enterobacteriaceae) qui passent une partie de leurs cycles biologiques en symbiose avec des nématodes (vecteurs).

 

3.3. 2. Les Virus

On distingue deux groupes de virus entomopathogènes : les virus possédant des corps d’inclusion paracristallins et les virus sans corps d’inclusion. Ces deux groupes sont divisés en sept familles : les Baculoviridae, les Reoviridae, les Poxviridae (à corps d’inclusion); les les Iridoviridae, les Parvoviridae, les Picornoviridae et les Rhabdoviridae (sans corps d’inclusion) (Faulkner et Boucias 1985). Les Baculoviridae, les Reoviridae et les Poxviridae sont les virus les plus utilisés en lutte biologique parmi les 650 espèces de virus entomopathogènes connus car ils sont bénins pour les vertébrés du fait que les corps d’inclusion ne pouvant se développer que chez les insectes. Les baculovirus sont des virus en forme de bâtonnet, leur génome est constitué d'une molécule d'ADN bicaténaire, circulaire, superenroulée de haut poids moléculaire (Chen et al. 2002). Lorsque les baculovirus infectent le noyau des cellules, ils forment des corps d’inclusion appelés les polyédres, qui sont riche en particules virales. Une fois ingérés, les polyèdres sont dissous dans le suc intestinal de l’insecte libérant les virions qui traversent les cellules de l'épithélium intestinal par fusion membranaire ou par endocytose pour infecter par la suite les tissus de l'hôte. Les bioinsecticides viraux présentent plusieurs caractéristiques parmi lesquelles la spécificité, la haute virulence, la rapidité d’action et le niveau raisonnable de persistance dans l’environnement (Dent et al. 1991).

 

3.3. 3. Les Protozoaires

Les protozoaires se divisent en 7 phyla, parmi lesquels les Ciliophora, les Sarcomastigophora, les Apicomplexa et les Microspora sont entomopathogènes (Dent et al. 1991). La famille Amoebidae et la famille Nosematidae appartenant au phylum des Sarcomastigophora et des Microspora, respectivement, sont les plus utilisées en lutte biologique (Greathead et al. 1994). En effet, Bralamoeba locustae (Amoeba) est utilisé pour lutter contre certaines espèces de criquets (locustes) en formant des spores intra-cellulaires. Chez les microsporidies du genre Nosema, l’infection se réalise par ingestion des spores qui germent dans le tube digestif et traversent les tissus éphitéliaux (Maddox et al. 1987). L’infection par les protozoaires affecte la croissance ou la fécondité de l’hôte ciblé qui devient plus sensible à d’autres infections d’origines virales, bactériennes ou mycoses.

 

3.3. 4. Les nématodes

Il existe plusieurs espèces de nématodes entomopathogènes. L’infection de la plupart des nématodes se fait à travers l’ingestion d’œufs déposés sur les feuilles des plantes. Ces œufs éclosent et laissent libérer les larves qui regagnent l’hémocèle puis quittent l’hôte au quatrième stade par perforation des tissus inter-segmentaires, ce qui cause la mort de l’insecte. Les nématodes peuvent vivre également en symbiose, tels que certaines espèces de Steinermatidae et Heterorhabditidae qui vivent avec des bactéries du genre Xenorhabdus. Les larves pénètrent dans l’hôte par la cuticule ou par les orifices naturels où elles libèrent les bactéries qui tuent rapidement l’hôte (Greathead et al. 1994).

 

3.3.5. Les microchampignons

Plus de 700 espèces de microchampignons entomopathogènes ont été utilisés en lutte biologique. Ils appartiennent aux sous-taxons des Mastigiomycotina, Zygomycotina, Ascomycotina et Deuteuromycotina. Les microchampignons entomopathogènes peuvent infecter leur hôte par ingestion ou par simple contact rendant tous les stades (œuf, larve, adulte) sensibles. Les espèces les plus utilisées en lutte biologique sont du genre Beauveria, Metharizium, Verticillium, Erynia, Hirsutella, Entomophtora et Entomophaga (Goettel et al. 1992 ; Starnes et al. 1993).

 

4. Marché global des produits phytosanitaires et des biopesticides

Le marché global des produits phytosanitaires utilisés dans le monde pour assurer la protection des récoltes est estimé à 44. 2 billions de dollars en 2009-2010. Avec un taux de progression de 5.5 % chaque 5 années, il est prévu que ce marché atteindra 68.5 billions de dollars pendant l’année 2017 (Rojas 2015).

Les pesticides chimiques dominent ce marché mais garantissent de moins en moins une protection efficace et durable des cultures et de l’environnement. Par conséquent, leur utilisation a régressé depuis l’année 2000 et en parallèle de nouvelles stratégies ont émergé, d’ou le développement des biopesticides. Le marché des biopesticides présente 2,5% des ventes agricoles totales et les chercheurs estiment qu’il atteint 10 billion de dollars en 2017. Ces produits peuvent être d’origine végétale, virale ou microbienne (Chandler et al. 2011 ; Deravel et al. 2014).

Les produits à base de microorganismes (bactérie, champignon, virus, levure) représentent environ 30% des ventes totales. Les souches bactériennes utilisées sont à base d’Agrobacterium, Bacillus et Pseudomonas (Fravel et al. 2005). Bacillus thuringiensis apparaît comme la bactérie la plus impliquée vu qu’elle représente plus que 70% du marché mondial des biopesticides.

5. Conclusion

L’utilisation massive des produits phytosanitaires chimiques a conduit essentiellement à l’apparition de bio-agresseurs résistants. La mauvaise réponse pour lutter contre ceux-ci est d’augmenter la quantité et la fréquence d’application du produit phytosanitaire utilisé. De plus, les pesticides chimiques sont non spécifiques, polluants pour l’environnement et très néfastes pour la santé. Les biopesticides représentent une des alternatives les plus prometteuses à cette dépendance puisqu’ils présentent de nombreux avantages écologiques. En effet, utilisés dans une stratégie de lutte intégrée, seuls ou en combinaison avec les pesticides chimiques, ils permettent de conquérir les organismes nuisibles et limiter l’apparition des cas de résistance.

 

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