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Dynamique de la minéralisation du carbone et de l’azote organiques dans des sols d’origines pédoclimatiques différentes: une expérience d'incubation.

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Y. Zaouchi *

 

Institut National Agronomique de Tunisie (INAT), 1082 Tunis - Mahrajène, Tunisie

 

Résumé - L’objectif de cette étude est de caractériser l’évolution temporelle de la minéralisation de la matière organique apportée à des sols, par la quantification de ses produits de dégradation. Deux sols, l’un d’origine française (Néoluvisol développé sur limon éolien), l’autre d’origine tunisienne (Vertic Xerofluvents) sont soumis à deux apports organiques: fumier de volaille (C/N= 17,8) et lisier de porc composté sur paille (C/N= 20,6). Ces deux produits sont respectivement apportés à raison de 4 gMS/kg et 6,25 gMS/kg de sol. Ces traitements sont comparés à des échantillons des deux sols sans apport. Une incubation en conditions contrôlée est réalisée pendant 58 jours. La production en carbone (C-CO2) et l’azote disponibles dans le sol (N-NH4 et N-NO3) sont mesurés périodiquement (jours 1, 3, 7, 14, 21, 34 et 58). Les valeurs en C-CO2 produit sont en moyenne de 120 mg/kg/jour. L’azote minéral disponible dans les différents échantillons varie entre 0.27 g/kg et 1.70 g/kg de sol. De très fortes productions en C-CO2 et diminutions en N-NH4 des sols marquent les trois premiers jours de l’incubation. Elles traduisent une reprise intense de l’activité microbienne et une nitrification de l’azote ammoniacal initialement présent. A partir du 14ème jour, le processus de minéralisation tend vers une ammonification de l’azote organique chez tous les traitements sauf pour ceux ayant reçu le lisier de porc. Une immobilisation des nitrates est constatée chez ces derniers. A partir du 21ème jour, la production en C-CO2 diminue considérablement jusqu’à la stabilisation à des niveaux faibles. L’azote ammoniacal devient de moins en moins disponible pour tendre à la fin vers l’annulation des valeurs des teneurs en cet élément dans les différents échantillons. Les proportions des nitrates dans les sols deviennent constantes. L’évolution de ces trois produits de dégradation de la matière organique observée à la fin de la période d’incubation traduit un affaiblissement de l’activité microbienne et un arrêt progressif du processus de minéralisation.

 

Mots-clés: Minéralisation ; Matière organique exogène ; respiration microbienne ; ammonification ; nitrification ; fertilisation ; sol.

 

1. Introduction

Un amendement organique est défini comme étant toute source de matière organique capable de se décomposer dans le sol pour y donner de l’humus qui permet d’améliorer ses propriétés physiques, chimiques et biologiques mais permet également d’augmenter sa fertilité (Pontailler 1971). Les matières organiques peuvent avoir 3 origines : (1) végétale comme la paille de céréales, la tourbe, les engrais verts, les amendements marins ou les résidus industriels, (2) animale à base de déjections animales ou des déchets divers et (3) mixte tels que les fumiers de fermes, les composts ou les gadoues (Diehl 1975). Le fumier est une association à des proportions variables de litière et de déjections animales dont les compositions sont déterminées selon l’espèce, l’âge et l’alimentation. Ce mélange de matières organiques est l’objet de fermentations plus ou moins avancées (Mustin 1987). Le compost est un amendement organique riche en composés de nature humique. Il s’agit d’un produit stable et homogène. Il est obtenu par la fermentation aérobie des matières organiques grâce à une activité biologique de plusieurs mois (Lopez 2004).

La matière organique exogène (MOE) apportée dans un sol subit des processus de dégradation enzymatique des glucides et de la lignine. Les composés organiques qui en résultent sont transformés en minéraux simples : il s’agit de la minéralisation. La cinétique de cette dernière est liée à la nature de la MOE, aux facteurs environnementaux tel que l’aération, l’humidité, la température, le pH… et à l’accessibilité des composés organiques aux microorganismes (Albrecht, 2007).

Ainsi, la matière organique initiale se transforme en des composés généralement plus stables (les substances humiques et l’humus), mais également, en dioxyde de carbone et en des composés minéraux simples tels que les ammoniums et les nitrates, dans le cas d’une minéralisation complète (Robert 1996). Ces éléments minéraux azotés sont indispensables pour le métabolisme des végétaux et déterminent le rendement des cultures (Albrecht 2007). La dynamique de la minéralisation et l’activité d’une biomasse microbienne dans un sol peuvent être décrites par la quantification dans le temps de des différents produits de dégradation de la MOE (Kassar, 2006).

La technique de l’incubation en conditions contrôlées est utilisée pour simuler l’activité réelle de la minéralisation dans un sol. Elle permet également d’évaluer l’influence d’un facteur donné sur la minéralisation, tout en contrôlant les autres paramètres qui déterminent l’activité des populations microbiennes dans le sol. En effet, elle peut être appliquée pour le suivi des différentes composantes et aspects relationnels des propriétés du sol, par exemple pour la mesure de la minéralisation de l’azote en conditions contrôlées par Smith et al. (1977) et Russel et al. (2006). D’autres recherches ont permit de mettre en place des modèles d’estimation de la minéralisation de l’azote en fonction de la teneur en argile, en sable et en calcaire, ainsi que les stocks de carbone et d’azote du sol (Bradbury et al. 1993 ; Brisson et al. 1998 ; Dubrulle et al. 2004 ; Hansen et al. 1991). En effet, ces paramètres sont plus au moins stables dans le temps et facilement accessibles. Janzen et al. (1992), Agele et al. (2005) ont amélioré l’explication de la minéralisation de l’azote en prenant comme paramètres de suivi la biomasse microbienne et le fractionnement granulométrique de la matière organique. Valé (2006) a utilisé la méthode de l’incubation pour quantifier et prédire la minéralisation nette de l’azote du sol in-situ sous divers conditions pédoclimatiques et culturales. Toutefois, aucune étude n’a permit de comparer l’évolution de différentes MOE à travers des sols de diverses natures pédoclimatiques.

Cette étude est une caractérisation, en conditions contrôlées, de l’évolution dans le temps de la minéralisation de deux matières organiques exogènes à biodégradabilités différentes mélangées à deux types de sols (Vertic Xerofluvents de Tunisie, Néoluvisol de Bretagne).

2. Matériel et méthodes

La caractérisation, en conditions contrôlées, de l’évolution temporelle de la minéralisation de la MOE apportée à un sol est réalisée par un suivi à travers différentes analyses périodiques. Pour cela, des mélanges MOE/sol sont réalisés. Deux sols d’origines pédo-climatiques différentes reçoivent deux types d’apports organiques.

2. 1. Matériel expérimental

L’expérience porte sur des horizons de surface de deux sols cultivés. Le premier est issu de la région de Mornag située au nord-est de la Tunisie et présente un pourcentage de carbonates relativement important, correspondant à 24,7% de la masse du sol sec. Le second provient d’une parcelle expérimentale, Champ Noël, situé au nord de Rennes (Bretagne, France) et fait partie d’un domaine expérimental de l’INRA. Les principales caractéristiques des deux sols sont présentées dans le tableau 1. Les échantillons de ces deux sols sont prélevés sur une profondeur située entre 0 – 20 cm de la surface, sont tamisés à moins de 2mm et stockés au frais jusqu’à leur utilisation. La masse de chaque échantillon est égale à 3,6 kg.

Deux amendements organiques à biodégradabilités différentes sont mélangés aux échantillons de sols : du fumier de volaille provenant d’un élevage commercial du Morbihan et du lisier de porc composté sur paille issu d’une station expérimentale de la chambre d’agriculture de Guernévez (Finistère, France). Dans le cadre de cette étude, les deux produits organiques sont finement broyés avant leur utilisation. Les caractéristiques de ces deux amendements sont présentées dans le tableau 2. Les doses sont calculées de sorte que les apports en carbone et en azote soient les mêmes pour les deux matières organiques exogènes. Ces doses sont égales à 4 g MS/kg sol et 6.25 g MS/kg sol respectivement pour le fumier de volaille et le lisier de porc.

Tableau 1: Caractéristiques des deux sols tunisien et français

Sol

Tunisien

Français

Conditions climatiques

semi-aride supérieur, à hiver doux

océanique

Contexte pédologique

 

Origine

Vertic Xerofluvents

Néoluvisol peu hydromorphe, profond et développé sur limon éolien et schiste briovérien

Texture

Argile limono-sableuse

Limon sablo-argileux

Structure

polyédrique subangulaire

polyédrique subanguleuse

Composition minérale  (%)

argile

36.7

14.3

limons fins

(2-20microns)

2.1

24

limons grossier (2-50 Microns)

39.6

48.2

Sable

14.6

4.9

Densité apparente (da)

1.57

1.54

Caractéristiques chimiques

Matière organique (%)

1.28

1.79

pH eau

8.3

6.4

pH KCl

7.3

5.9

C/N

7.06

5.8

 

Tableau 2 : Principales caractéristiques et quantités utilisées du fumier de volaille et du lisier de porc composté sur paille.

Produit

Fumier de volaille

Lisier de porc

C/N

17.8

20.6

Quantité utilisée (g MS/kg sol)

4

6.25

Carbone (%MS)

36.97

26.03

Quantité de carbone apportée à l’échantillon de sol (g C/kg sol)

1.48

1.62

Azote (%MS)

2.07

1.26

Quantité d’azote apportée à l’échantillon de sol (g N/kg sol)

0.08

0.08

 

2.2. Incubation des échantillons

Le processus de minéralisation de la matière organique est un processus relativement lent. Pour l’accélérer, une incubation en conditions contrôlées des sols, suivant le protocole adopté par Morvan et al (2004), a été réalisée au pôle analytique de l’Unité Mixte de Recherche Sol Agro et Hydrosystème Spatialisation (UMR SAS) de l’Agrocampus Ouest de Rennes.

 

2.2.1. Préparation des échantillons

Des mesures d’humidités pondérales (Hs) des deux sols sont réalisées afin de pouvoir calculer la quantité d’eau à ajouter pour arriver à la capacité au champ (Hs du sol tunisien est égale à 7.75% et Hs du sol français est égale à 12.43%). L’humidité des sols est ensuite ajustée à la capacité au champ, en conditionnant 400g de sol dans un bécher de 250ml et en vaporisant 10 ml d’eau ultra pure toutes les 4 heures d’infiltration. Le choix du vaporisateur pour l’humectation est fait afin d’éviter la saturation ou la formation de mottes et pour qu’il y ait une infiltration uniforme. Les différents échantillons sont ensuite laissés au repos pendant 4 jours avant d’être incubés pour permettre la reprise de l’activité biologique du sol et éviter l’effet « flush » qui est une variation de l’activité microbienne suite au changement des conditions de température et d’humidité (Bernard, 1981 ; Jedidi, 1998).

 

2.2.2. Traitements appliqués

Trois modalités sont réalisées pour chaque sol : mélange sols-fumier de volaille (traitements avec le sol français « Ffv » et le sol tunisien « Tfv »), mélange sols-lisier de porc composté sur paille (traitements avec le sol français « Flp » et le sol tunisien « Tlp ») et les témoins sans apports (traitement avec le sol français «Fte » et le sol tunisien « Tte »). Trois répétitions sont réalisées pour chaque traitement. L’apport est réparti uniformément sur la totalité de l’échantillon et mélangé à ce dernier pour assurer une bonne homogénéité. Les sols sont conditionnés dans une série de bocaux en verre fermés hermétiquement. Un pot d’eau ultra pure est mis à l’intérieur pour garder l’atmosphère saturée en humidité et éviter le desséchement rapide des échantillons. Un pot de soude 1M et de volume égal à 20ml est aussi placé à l’intérieur du bocal. La soude sert à piéger le dioxyde de carbone (CO2). Un bocal ne contenant que les pots de soude et d’eau sert de blanc pour mesurer le CO2 présent dans l’atmosphère du bocal et qui doit être soustrait de celui dégagé par les échantillons. La différence ainsi obtenue représente le CO2 résultant de la respiration des microorganismes. Les différentes modalités de sols sont incubées à l’obscurité dans une chambre à environnement contrôlé (température fixée à 25°C) pendant 58 jours. Ces paramètres sont jugés optimaux pour la minéralisation de la matière organique (Sikora and Szmidt, 2001).

 

2.3. Mesures périodiques

Des échantillonnages sont réalisés pendant les jours 1, 3, 7, 14, 21, 34 et 58 de la période d’incubation. A chacune des dates, une quantité de terre est prélevée pour subir différentes analyses, à savoir 40 g (2× 20g) de sol pour mesurer l’azote minéral disponible et quelques grammes pour le suivi de l’humidité des échantillons.

Le CO2 est piégé par la soude selon la réaction :

2NaOH (soude) + CO2 + H2O Na2CO3 (Carbonate de sodium) + 2 H2O.

La soude est ensuite tirée par l’acide chlorhydrique 0.1N. Des mesures sur le blanc sont également réalisées. Des dosages quotidiens du CO2 sont réalisés jusqu'au 17ème jour de l’incubation pour éviter la saturation de la soude en dioxyde de carbone. Au fur et à mesure que l’expérience avance et que les dégagements de CO2 diminuent, la fréquence des dosages est alors diminuée. A chaque date de prélèvement, les pots de soude sont remplacés pour la date suivante. La minéralisation journalière du carbone, déduit du CO2 dégagé ainsi que la production cumulée de C-CO2 (mg/kg de sol) par les différents échantillons tout au long de la période d’incubation sont calculées.

L’azote minéral est extrait par une solution de chlorure de potassium KCl (1M). 40ml de KCl sont mélangés dans 20g de sol frais prélevé à partir de chaque répétition. Un filtrat de la même solution de KCl utilisée pour l’extraction des échantillons est préparé pour servir de blanc. Les ions ammoniums et nitrates sont dosés par colorimétrie en flux continu selon la réaction de Griess-Ilosvay pour les nitrates, l’absorbance est mesurée à 550nm et l’ammonium dosé selon la réaction de Berthelot, dans ce cas l’absorbance est mesurée à 660nm (Rhine et al. 1998 ; Lopez Pasquali et al. 2007).

 

3. Résultats

3.1. Minéralisation du Carbone

La minéralisation journalière du carbone, déduit du CO2 dégagé, est présentée pour les différentes modalités de traitement (figure 1). Les valeurs de carbone minéralisé (C-CO2) par jour ne dépassent pas 120 mg/kg/jour. Les quantités de C-CO2 produites par les deux sols témoins (Fte et Tte) ne sont que légèrement inférieures à celles des autres traitements et les dépassent à certaines dates.

Les valeurs maximales de C-CO2 produit par les échantillons sont représentées par le tableau 3 et correspondent toutes au premier jour de l’incubation, i.e. 24 heures après le démarrage de celle-ci. Au début de l’incubation, les valeurs de C-CO2 produit par les traitements du sol tunisien sont plus importantes que celles enregistrées pour les traitements du sol français.

 

Tableau 3 : Quantités maximales de carbone minéralisé par jour (mg/kg/jour)

Traitement

Fte

Ffv

Flp

Tte

Tfv

Tlp

Jour

1

1

1

1

1

1

C-CO2(mg/kg)

41.1

103.7

66.3

80.5

111.1

97.7

 

Les valeurs minimales de C-CO2 produit par les échantillons sont présentées dans le tableau 4. Elles correspondent au dernier jour de la période d’incubation (58ème jour) pour les traitements témoins ainsi que pour le sol français avec du fumier de volaille (Ffv). Chez le reste des traitements, la valeur la plus faible de minéralisation du carbone ne correspond pas à la dernière date. Toutefois, ces valeurs restent du même ordre de grandeur que celle du 58ème jour.

 

Tableau 4: Quantités minimales de carbone minéralisé par jour (mg/kg/jour)

Traitement

Fte

Ffv

Flp

Tte

Tfv

Tlp

Jour

58

58

29

58

29

38

C-CO2(mg/kg)

0.37

0.59

1.37

1.43

1.58

1.46

 

Les résultats obtenus montrent une chute brutale de la quantité de carbone minéralisée entre les jours 1 et 3 au niveau des différentes modalités de traitement sauf pour le sol tunisien avec du fumier de volaille (Tfv) et le lisier de porc composté sur paille (Tlp), où l’on observe bien cette diminution, mais seulement entre les jours 1 et 2 puisque la minéralisation reprend rapidement après cette date. Cette diminution de la quantité de C-CO2 observée au début de l’incubation persiste mais avec une vitesse plus faible. Ce ralentissement de la minéralisation du carbone tend vers une stabilisation de la production de C-CO2 avec des valeurs proches de 10 mg/kg/jour. Toutefois, on observe une reprise rapide de cette dernière avec des pics de productions qui ne dépassent pas les 60mg/kg de sol, vers les jours 21 et 34 de l’incubation. A la fin de l’expérience, les valeurs de production de carbone par les sols contenant les apports commencent à se rapprocher de celles des témoins.

Chez les traitements MOE/Sol, la production en carbone la plus importante est observée pendant la première semaine de l’incubation. En effet, 13,8% du carbone du fumier de volaille apporté aux échantillons de sol français et 7,9% de celui apporté aux échantillons de sol tunisien ont été minéralisés pendant les 7 premiers jours de l’incubation. En fin d’expérimentation, les quantités de produit dégradé représentent respectivement 20,6% et 12,4% de l’apport initial pour les sols français et tunisien. Pour le lisier de porc composté sur paille, 4,8% ont été minéralisés dans le sol français et 3,4% dans le sol tunisien pendant la première semaine de l’incubation. A la fin de l’expérience, les quantités de produit dégradé sont respectivement 9,6% et 6,4%. D’autre part, le pourcentage le plus élevé en carbone produit suite à la minéralisation de la matière organique apportée est observé dans le cas du sol français amendé de fumier de volaille. Ceci témoigne d’une intense activité microbienne chez ce traitement.

 

 

a

b

 

Figure 1 : Minéralisation journalière du carbone (C-CO2 mg/kg sol/jour).

a : Sol français ; : Sol tunisien.

(Fte : sol français témoin, Ffv : sol français avec fumier de volaille, Flp : sol français avec du lisier de porc composté sur paille , Tte : sol tunisien témoin, Tfv : sol tunisien avec fumier de volaille, Tlp : sol tunisien avec du lisier de porc composté sur paille).

 

La figure 2 représente la production cumulée de C-CO2 pour toutes les modalités (mg/kg de sol) tout au long de la période d’incubation. Toutes les courbes présentent une forte pente au départ de l’incubation et, qui s’adoucît petit à petit de façon que la courbe tende vers un palier à la fin de l’expérience. Ceci confirme le ralentissement de la vitesse de la minéralisation du carbone observée par la diminution de la production journalière de C-CO2.



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 2 : Minéralisation cumulée du carbone des 6 modalités sur les 58 jours d’incubation (C-CO2 mg/kg sol)



3.2. Minéralisation de l’azote

L’azote minéral disponible dans les différents échantillons varie entre 0.27 g/kg et 1.70 g/kg de sol (figure 3). La quantité d’azote minéral dans les témoins de sols (Tte et Fte) est restée presque constante. En effet, les valeurs enregistrées d’azote minéral dans le témoin du sol français et celui tunisien varient, respectivement, autour de 0.5 g N/kg et 0.8 g N/kg. Par contre, on constate des variations dans les quantités d’azote minéral disponible dans les échantillons de sols avec les apports. Les variations les plus importantes concernent le sol français amendé de fumier de volaille (Ffv). Toutefois, des écart-types très élevés sont constatés chez ce traitement ainsi qu’ une diminution très prononcée de la quantité d’azote minéral disponible pendant la première semaine d’incubation puis une reprise de la minéralisation à partir du 7ème jour (figure 3). Les variations des valeurs d’azote minéral pour le reste des traitements (Flp, Tfv et Tlp) peuvent provenir des la forte dispersion des 3 répétitions.





 

Figure 3: Azote minéral disponible dans les différents échantillons de sols au cours de la période d’incubation (g N/kg)



La figure 4 représente les quantités d’azote organique restantes dans les sols après minéralisation de la matière organique (g N/kg) en fonction des différentes dates de prélèvement. Cette figure montre deux groupes caractérisés par les mêmes gammes de valeurs. En effet, le premier groupe est formé par les témoins des deux sols (Tte et Fte) dont la valeur moyenne d’azote restant dans le sol tout au long de l’incubation est 0,84 g N/kg avec un écart-type égal à 0,2 g N/kg. Le second est formé des traitements des 2 sols avec du fumier de volaille et du lisier de porc composté (Ffv, Tfv, Flp et Tlp). Pour ce groupe, la valeur moyenne est égale à 22,1 g N/kg avec un écart-type égal à 0, 57 g N/kg.



Figure 4 : Quantité d’azote organique restant dans le sol après minéralisation de la matière organique (g C/kg)


La plus forte quantité en azote ammoniacal (N-NH4) est mesurée le premier jour de l’incubation (figure 5). Ces quantités diminuent considérablement au jour 3 (figure 5) sauf pour les témoins (Fte, Tte) pour lesquels cette diminution est faible. Les valeurs en cet élément minéral baissent jusqu’à 0.01 g N-NH4/kg de sol pour les échantillons de sol avec les apports sauf celle du sol français avec du fumier de volaille qui n’atteint que 0.03 g N-NH4 /kg de sol. A cette même date, les témoins des sols français et tunisien présentent respectivement 0.006 g N-NH4/kg et 0.008 g N-NH4/kg de sol. D’une façon générale, les courbes représentant la variation de la quantité de N-NH4 dans les échantillons de sols évoluent de la même façon et présentent des valeurs du même ordre de grandeurs pour toutes les modalités. Ces quantités tendent à se rapprocher avec l’avancement de l’incubation. Les valeurs N-NH4 les plus faibles sont enregistrées à la dernière date de l’incubation, sauf pour le traitement sol français avec fumier de volaille (Ffv) puisque cette valeur moyenne présente un écart-type très important lié à la forte dispersion des 3 répétitions.

Les courbes représentant l’évolution de la quantité de N-NO3 disponible dans les échantillons (figure 6) varient dans un intervalle compris entre 0.251 g/Kg et 1.638 g/Kg. On observe une stabilité de cette quantité entre les jours 1 et 3 de l’incubation (sauf pour le traitement Tfv). La courbe d’évolution de la concentration en N-NO3 des sols est en corrélation négative de celles observées au niveau de la production en C-CO2 et des quantités disponibles en N-NH4. Pour ces derniers, des chutes brutales sont observées entre les jours 1 et 3 de l’incubation. En général, le témoin d’un sol donné présente des quantités en N-NO3 inférieures à ses traitements avec les apports, mais ces valeurs restent proches notamment entre le témoin d’un sol et son traitement avec du fumier de volaille.

 

Figure 5: N-NH4 disponible dans les différents échantillons de sols (g/Kg)

Figure 6: Evolution du N-NO3 disponible dans les différents échantillons de sols (g/kg) au cours de la période d’étude



4. Discussion

Au départ de l’incubation des échantillons, une production importante en carbone est constatée. Ceci est expliqué par une forte respiration microbienne. En effet, les microorganismes consomment de l’oxygène, produisent du CO2 issue de leur activité respiratoire et de la chaleur par leurs réactions métaboliques ainsi que de la décomposition de la matière organique (Finstein et Morris 1975). Cette activité intense observée après 24 heures du début de l’incubation est probablement liée à un effet « flush ». En effet, avant d’être incubés, les échantillons de sols ont subi un desséchement puisqu’ils ont été sujet à différents traitements (transport, tamisage, stockage). Par suite, ils ont été humidifiés jusqu’à la capacité au champ. Cette dessiccation a pour conséquence une forte mortalité microbienne donnant lieu à un nombre important de molécules organiques (Jedidi 1998). Après la humectation des échantillons de sols, il y a reprise de l’activité microbienne et de la production de CO2 qui est intensifiée par la minéralisation rapide de ces molécules organiques. Il s’agit de l’effet « flush » (Bernard 1981). D’autre part, la mise en place des échantillons de sols à une température de 25°C (température de la chambre d’incubation) et leur humectation jusqu’à la capacité au champ, qui est à l’origine d’un équilibre oxygène- humidité, favorise également la reprise intense de l’activité microbienne (Stanford et al. 1973 ; FAO 2003). La diminution de la production de C-CO2 journalier après troisième jour de l’incubation est probablement liée à l’épuisement du stock de molécules organiques suite à la consommation des microorganismes pour leur métabolisme. Elle peut être également liée à l’adaptation des populations microbiennes aux nouvelles conditions de température et d’humidité, ce qui a pour conséquence un ralentissement puis une stabilisation de cette activité microbienne (Bernal et al. 1998 ; Lasaridi and Stentiford, 1998).

Le niveau d’azote dans les sols présente des variations très importantes tout au long de la période d’incubation des échantillons. Ces fluctuations peuvent être expliquées par une réorganisation de cet élément notamment pour le traitement Ffv, dans le cas d’une immobilisation par les microorganismes pour leur métabolisme (Tremblay et al. 2001), ou sa dénitrification dans le cas d’un manque d’oxygène (Parnaudeau 2005) suite à une mauvaise aération des échantillons de sol. L’observation de l’allure générale des courbes de disponibilité de des ammoniums et des nitrates dans les échantillons de sols a permis de réaliser le tableau 5. Ce dernier représente l’interprétation directe de l’évolution des deux courbes pendant différents intervalles de temps. On remarque une diminution rapide et importante de la quantité d’ammonium disponible entre les jours 1 et 3, sauf pour les témoins. Pendant ce même intervalle de temps, la quantité de nitrates présents dans les échantillons ne change pas. Les 11 jours suivants, c'est-à-dire du jour 3 au jour 14, la quantité d’ammonium reste constante alors que celle des nitrates augmente considérablement sauf pour les témoins de sols. Ceci peut être expliqué par un déclenchement du phénomène de nitrification suite à l’apport de matière organique (Robert 1996). En effet, on observe une accélération de l’activité microbienne dans les sols riches en matière organique (Sanaa et al. 1993). Dans le cas de cette expérimentation, il est possible de poser l’hypothèse d’une activation des bactéries nitrifiantes suite à l’apport de fumier de volaille et de lisier de porc composté puisqu’on assiste à un déclenchement de la nitrification et une production de nitrates beaucoup plus importante dans le cas des sols avec les apports.

Du jour 14 au jour 21, on assiste à une augmentation de la quantité d’ammonium présent dans les échantillons de sol. Cette augmentation pourrait être expliquée par la présence d’un phénomène d’ammonification (Robert 1996). Dans ce même intervalle de temps, on ne constate aucune évolution dans les proportions de nitrates, excepté pour les échantillons de sol avec du lisier composté où l’on remarque une diminution de cet élément minéral. Cette diminution peut être expliquée par un processus d’immobilisation des nitrates du sol (Tremblay et al. 2001). En effet, l’ammonification et l’immobilisation sont deux phénomènes simultanés. Si l’amendement utilisé apporte suffisamment d’azote organique, nécessaire pour le métabolisme des microorganismes décomposeurs de la matière organique, on peut observer un bilan positif de l’ammonification nette (différence entre minéralisation brute de l’azote et l’immobilisation) (Hart et al. 1994). Ce bilan positif a pour conséquence une production d’ammonium. Dans le cas contraire, on observe un bilan négatif et par conséquent il y’a une immobilisation de l’azote minéral disponible (Hart et al. 1994).

Il est probable que pendant la période précédant le jour 14 de l’incubation, l’azote minéral disponible dans les échantillons de sols a été immobilisé par les microorganismes puisqu’il y’a eu production de cet élément et qu’à cette même période les quantités d’ammonium se sont stabilisées à un niveau faible. Etant donné que le lisier de porc composté présente un C/N de 20,6, il serait donc fort probable que la diminution de la quantité de nitrate dans les échantillons de sols amendés de lisier composté soit liée à une immobilisation de cet azote minéral. En effet, selon Calvet (2003), on peut assister à une organisation de l’azote minéral du sol lorsque le produit organique apporté présente un rapport C/N de l’ordre de 20.

A partir du jour 21 et jusqu’à la fin de la période d’incubation, une diminution des quantités d’ammonium des échantillons de sols est observée. Ceci est expliqué par un arrêt de la minéralisation de l’azote organique et est confirmé par la stabilisation des proportions des nitrates dans ces mêmes échantillons, mais également par la diminution considérable de la respiration microbienne (dégagement de gaz carbonique).

 

Tableau 5: Evolution des quantités d’azote minéral lors de l’incubation

Intervalle de jours

Jour 1 à jour 3

Jour 3 à jour 14

Jour 14 à jour 21

Jour 21 à jour 58

Evolution de la quantité de NH4 disponible (g/kg)

Diminution

importante (sauf pour les sols témoins)

Constante

Augmentation

Diminution progressive puis tend vers zéro

Evolution de la quantité de NO3 disponible (g/kg)

Constante

Augmentation (plus importante dans le cas des sol+MOE)

Constante

(sauf pour les sols+ lisier composté diminution)

Légère augmentation puis stabilisation sous forme de palier

Interprétation en termes de processus dominant

Nitrification de l’azote ammoniacal initialement présent

Ammonification de l’azote organique (les sols+ lisier composté Immobilisation des nitrates)

La minéralisation va en s’annulant et affaiblissement de l’activité microbienne du sol

 

5. Conclusion

Les résultats présentés montrent qu’il existe une variabilité dans la cinétique de la minéralisation du carbone organique et de l’azote à travers les deux sols amendés de fumier de volaille et de lisier de porc et ceux n’ayant reçus aucun apport. La production en carbone est en moyenne de 120 mg/kg/jour et celle en azote minéral varie entre 0.27 g/kg et 1.70 g/kg de sol. Une intense activité microbienne marque les 3 premiers jours de l’incubation. Il s’agit de l’effet « flush ». Une nitrification de l’azote ammoniacal initialement présent est observée pendant les 14 premiers jours de la période d’incubation. Elle est suivie par un processus d’ammonification de l’azote organique chez tous les traitements sauf pour ceux ayant reçu le lisier de porc. Chez ces derniers, une immobilisation des nitrates est observée. Un affaiblissement de l’activité microbienne et un ralentissement progressif du processus de minéralisation du carbone organique et de l’azote sont observés à partir du 21ème jour.

 

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