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Diversité génétique et qualité technologique du blé dur (Triticum turgidum L. subsp. durum (Desf.) Husn.) cultivé en Tunisie

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E. Babay1,2,3,

M. Hanana1,

R. Mzid1,*,

H. Ben Haj-Salah 4,

M. Rodriguez-Quijano3,

A. Ghorbel1

H. Slim-Amara2

 

1 Laboratoire de Physiologie Moléculaire des Plantes. Centre de Biotechnologie de Borj-Cédria (CBBC). BP 901. Hammam Lif 2050, Tunisia

2 Laboratoire de Génétique et Amélioration des Céréales. Institut National Agronomique de Tunisie (INAT). 43, Avenue Charles Nicolle. 1082 Tunis, Tunisia

3 Unidad de Genética. Departemento de Biotecnologia. ETSIA Universidad Politecnica. Ciudad Universitaria s/n. 2080, Madrid. Spain

4 Institut National des Grandes Cultures (INGC), BP 120, BouSalem 8170, Tunisia

 

Summary - As a prerequisite for improvement of technological quality (semolina and/or pasta) of durum wheat, the evaluation of varieties with respect to gluten quality determined on the basis of gluten strength and protein content supported by the genetic diversity analysis for genetic distance between different genotypes (local, improved and introduced) in our gene pool of durum wheat has been done. This work is further supported by genetic diversity analysis using SSR molecular markers with 28 primers on 27 varieties of Tunisian durum wheat. High genetic polymorphism was detected with an average of 5.2 alleles per locus and a polymorphism index of PIC = 0.53. Landraces showed a very high protein content value relatively to modern cultivars. On the other hand, modern varieties showed high gluten strength. Thus, according to our results, selection of best parents for quality improvement programs, based on pedigrees, technological properties and genetic distances can be possible.

 

Keywords : gluten / molecular markers SSR / protein content.

 

Résumé - La première étape qui doit être planifiée pour installer un programme d’amélioration de la qualité technologique (de la semoule et/ou de la pâte) du blé dur est l’évaluation de la qualité du gluten des variétés, déterminée principalement par la force du gluten et la teneur en protéines. La deuxième étape est l’estimation de la distance génétique qui sépare les différents génotypes (locaux, améliorés et introduits) formant notre patrimoine génétique de blé dur. De ce fait, nous avons évalué la qualité technologique moyennant la technique de sédimentation SDS et la teneur en protéines, et étudié la diversité génétique à l’aide de marqueurs moléculaires de type SSR en utilisant 28 amorces au niveau de 27 variétés de blé dur tunisien. Un polymorphisme important a été détecté avec une moyenne de 5,2 allèles par locus et un indice de polymorphisme PIC=0,53. Les variétés autochtones ont montré une teneur en protéines très élevée par rapport aux cultivars modernes. D’autre part, ces derniers possèdent une importante force de gluten. Ainsi, d’après nos résultats, nous avons la possibilité de choisir les meilleurs parents pour un programme d’amélioration de la qualité, en se basant sur les pédigrées, les propriétés technologiques et les distances génétiques.

 

Mots clé : gluten / marqueurs moléculaires SSR / teneur en protéines.





  1. Introduction

Le blé dur (Triticum turgidum L. subsp. durum (Desf.)) constitue une des céréales les plus anciennes et les plus cultivées dans le monde avec plus de 17 millions d’hectares et qui représente le plus grand marché d’importation pour le bassin méditerranéen. Ceci est dû à la grande consommation des méditerranéens de dérivés de blé dur (Nazco et al. 2012). Contrairement au blé tendre (Triticum aestivum L.) qui est utilisé pour la fabrication du pain et des noodles orientales, le blé dur est le préféré pour la fabrication de pâte, car il est le plus dur à moudre pour donner de grosses particules nommées semoule (Sisson 2008). Le blé dur, avec sa teneur en protéines et sa force de gluten, produit une pâte ferme avec une bonne texture, qui garde après cuisson un aspect non collant et intègre (d’Egidio et al. 1990; Elias et al. 2005). La Tunisie étant une zone de grande richesse génétique de blé dur (Ayed and Slim-Amara 2009), le germoplasme local avec sa meilleure adaptation pourrait ouvrir des horizons prometteurs quant à son exploitation. L’analyse de cette diversité génétique serait d’un apport considérable au cours des actions visant la sauvegarde, la conservation et la création variétale. Ainsi, la préservation de la diversité génétique du patrimoine national pourrait servir aux sélectionneurs pour la création de variétés futures permettant ainsi d’échapper aux fluctuations de la production céréalière dues à l’inadaptation de certaines variétés introduites sous nos conditions climatiques. L’étude moléculaire de cette diversité permet de comprendre les différences et les similitudes qui existent entre les écotypes, au niveau de leurs gènes et de décrire la structuration de la variabilité génétique au sein des populations (Nevo et al. 1998). Les microsatellites (SSRs) sont des marqueurs moléculaires en tandem de courtes séquences d’ADN (Najimi et al. 2003). Ces répétitions sont hautement polymorphes même chez les cultivars apparentés, co-dominantes et sont largement dispersées à travers le génome. Ces marqueurs ne sont pas influencés par les fluctuations de l’environnement et sont indépendants de l’organe analysé et du stade de développement de la plante (Rôder et al. 1998; Chabane et al. 2008). La diversité de la qualité technologique de blé dur est déterminée principalement par la force de gluten qui, à son tour, dépend de la qualité et de la quantité de protéines de réserve. Il y a un niveau seuil minimal de protéines de gluten qui doit être atteint, pour avoir une qualité de cuisson désirable (Dexter and Matsuo 1977). Le test de sédimentation SDS, le mixographe et la teneur en protéines expliquent près de 71% de la variation totale de la fermeté de la pâte. Ces tests ont montré une bonne efficacité de la prédiction de la qualité de la pâte (Dick and Quick 1983; Dick and Youngs 1988; Kovacs et al. 1995). Etant donné l’importance de leurs fiabilités, ces tests ont été utilisés par la majorité des améliorateurs de blé dur pour évaluer la force de gluten des nouvelles lignées (Dick and Youngs 1988). La rhéologie de la pâte et sa qualité de cuisson sont essentiellement déterminées par les effets superposés de la teneur en protéines, le ratio gluténine/gliadine et la composition allélique des HMW-GS et des LMW-GS. Il est bien connu que moins de 75% de la variation des différents paramètres de qualité de la pâte est expliqué par la composition en protéines de réserve du grain de blé (Patil et al. 2006; Ruiz and Carrillo 1995; Vazquez et al. 1996). L’évaluation de la variabilité de la qualité technologique (force de gluten) donne une idée sur le niveau de la variabilité génétique qui contrôle la composition allélique de gluténine (sous unité de HMW et de LMW) et de gliadine. Dans ce travail, nous étudions la diversité génétique de 27 variétés de blé dur cultivées en Tunisie depuis 1893 par le biais de 28 marqueurs moléculaires de type SSR (GWM, WMC, BARC, CFD et PSP) et une évaluation de la diversité de leurs qualités du gluten.

 

  1. Matériel et méthodes

    1. Culture des variétés

27 variétés de blé dur (Deghaïs et al. 2003 ; Ammar et al. 2011), cultivées dans les exploitations agricoles en Tunisie depuis le début du vingtième siècle, ont été utilisées dans cette étude (tableau 1), les semences ont été fournies par l’Institut National des Grandes Cultures (INGC). Les génotypes ont été cultivés dans les conditions de plein champ pendant la saison 2009-2010 avec deux répétitions en blocs.

Tableau 1 : Liste des variétés utilisées avec le pédigrée, l’origine et l’année (Deghaïs et al. 2003 ; Ammar et al. 2011)

Locales

Pédigrée

Origine / Année

Swabaa Algia

Variété locale

Nord Tunisie, 1909

Chili

Variété locale

France, 1932

Ouard Bled

Variété locale

Tunisie

Souri

Variété locale

Tunisie, 1915

Mahmoudi

Variété locale

Tunisie, 1893

Aouadhi

Variété locale

Nord Afrique

Sbèi

Variété locale

1908

Biskri

Variété locale

Algerie, 1909

Aouija

Variété locale

Nord Tunisie, 1909

Hamira

Variété locale

Tunisia, 1893

Bidi

Variété locale

Nord Afrique, 1908

Baidha

Variété locale

Tunisie

Derbessi

Variété locale

Tunisie, 1909

Jenah-Khottifa

Variété locale

Tunisie, 1915

Agili

Variété locale

Tunisie, 1925

Arbi

Variété locale

-

Richi

Variété locale

1908/1909

Améliorées

   

Karim

Jori“S”/Anhinga“S”//Flamingo“S”

CIMMYT-Mexico, 1980

Inrat69

Mahamoudi/Kyperounda

Tunisie 1969

Razzek

Dmx69-331/Karim

INRAT-Tunisie, 1987

Om Rabii

Jori C69/ Hau

ICARDA-Seri, 1996

Khiar

Chen/Altar 84

CIMMYT-Mexico, 1992

Nasr

GoVZ512/Cit//Ruff/Fg/3/Pin/Gre//Trob

ICARDA-Seri, 2002

Saragolla

Iride/LineaPSB 0114

Italie, 2004

Iride

Altar 84/Ionio

Italie, 1996

Grécale

S2/WB881//Plinio/F22

Italie, 2004

Maéstrale

Iride/Svevo

Italie, 2004



    1. Isolement d'ADN et technique SSR

L'ADN génomique de chaque variété a été extrait à partir de feuilles issues de graines germées âgées de 3 semaines. Les réactions de PCR ont été réalisées dans un volume réactionnel de 25 µl contenant 1U de Taq polymérase, 50 ng d'ADN, 0,25 µM de chaque amorce, 0,2 mM de dNTP, 2mM de MgCl2 et 1X de tampon de réaction PCR ; selon le programme suivant :un cycle à 95°C pendant 3 min, 35 cycles consécutifs composés de [1 min de dénaturation à 94°C, 1 min pour hybridation à X° C (spécifique de chaque amorce) et 2 min à 72°C pour l’extension], et enfin, 10 min d’élongation finale à 72°C. Les produits amplifiés par PCR ont été séparés par électrophorèse sur gel d’agarose (3%), colorés par le bromure d'éthidium (0,5 mg/ml) et visualisés sous lumière UV, en présence d’un marqueur de taille (100 pb, Promega).

 

    1. Évaluation des paramètres qualitatifs

Les principaux paramètres qualitatifs analysés et recherchés pour une bonne qualité de pâtes sont la teneur en protéines et la force de gluten estimée par le test de sédimentation SDS. Plusieurs études ont montré qu’il existe une corrélation entre le test de sédimentation SDS et les paramètres de mixographe (Brites and Carrillo 2001; Martínez et al. 2005; Edwards et al. 2007). Les paramètres qualitatifs ont été évalués pour des échantillons cultivés dans les conditions pluviales du champ. La force de gluten a été estimée par le test de SDS-sédimentation (SDSS), avec quelques modifications mineures (Dick and quick 1983; Carrillo et al. 1991), avec deux mesures pour chaque échantillon. La teneur en protéines (GPC) à 14% d'humidité a été estimée par un analyseur de réflectance dans le proche infrarouge « Inframatic 8120 Analysis ENMP».



    1. Analyses statistiques

      1. Analyse de dendrogramme de similarité

Les fragments amplifiés des marqueurs SSR ont été examinés par la présence (représentée par 1) ou l’absence (représentée par 0) de bande. Une matrice de données a été préparée pour générer une matrice de similarité par paire avec le logiciel NTSYSpc-2.02j (NTSYS-numérique taxonomie et de l'analyse multi-variée, Rohlf 1998) en utilisant un coefficient d'adaptation simple (Sokal et al. 1958). Enfin, un dendrogramme a été construit sur la base des données de la matrice de similarité en utilisant UPGMA (Unweighted Pair-Group Method using Arithmetic Averages).

 

    1. Degré de polymorphisme variétal

Les données ont été utilisées pour calculer la diversité de chaque marqueur SSR. Ceci est l’équivalent de PIC (Polymorphism Information Content) de chaque amorce selon la description d’Anderson (1992) dans l’équation suivante :

Où Pij est la fréquence de l’ième bande révélée par la jème amorce.

P(ij) est sommée à travers toutes les bandes révélées par les amorces.

La valeur de PIC est également une estimation de la capacité de discrimination du marqueur SSR d'un locus. Les fréquences des allèles nulles ne sont pas incluses dans le calcul de PIC.

 

  1. Résultats et discussion

    1. Qualité technologique

Il ressort de l’analyse des différents paramètres de la qualité technologique une variabilité au sein des génotypes étudiés. La teneur en protéines à 14% d'humidité varie de 9,8% chez Khiar qui est pourtant une variété améliorée, jusqu’à 13,8% chez les deux variétés locales Bidi et Chili, toutes deux variétés locales, avec une moyenne de 11,9% (figure 1). Bien que le germplasme utilisé soit assez diversifiée, entre variétés locales, améliorés et introduites, seule une légère variabilité des teneurs en protéines a été enregistrée au sein des génotypes étudiés. En France, suite à la récolte 2013 de blé dur, les teneurs en protéines enregistrées sont globalement situées dans une fourchette comprise entre 13 et 13,5 % (Anonyme 2013). Une étude canadienne menée sur 50 ans (1963-2012) a révélé une teneur moyenne en protéines de 13,2 % du blé dur ambré de l’Ouest canadien, mais avec une grande fluctuation de ce facteur de qualité (11,5 à 15,6 %), en grande partie attribuable aux conditions de l’environnement (Canadian Grain Commission 2012). En fait, la teneur en protéines est un caractère à faible héritabilité et fortement influencé par les conditions environnementales et les pratiques culturales.

 

Figure 1 : Evaluation de la teneur en protéine de chaque variété de blé dur. (H : Humidité)

 

En revanche, les valeurs moyennes de sédimentation SDS sont très variables en fonction des génotypes étudiés (figure 2). Elles varient de 20 mm pour Swabâa Algia et Derbessi (variétés locales) jusqu’à 80 mm pour Saragolla, Grécale et Nasr (variétés améliorées), avec une moyenne de 39,5 mm (figure 3). En général, les variétés améliorées ont une force de gluten plus élevée que les variétés autochtones à l’exception des variétés Maestrale et Karim qui possèdent un volume de sédimentation SDS très faible (synonyme d’une faible force de gluten). Ce résultat indique que la majorité des améliorateurs ont pris en considération la force de gluten comme critère principal de sélection dans leurs croisements. Cependant, les améliorateurs n’ont pas pu associer à ce critère d’amélioration celui de la teneur en protéines qui est influencée par l’environnement et qui corrèle négativement avec le rendement, autre objectif prioritaire de sélection (Oury et al. 2003; Oury and Godin 2007; Blanco et al. 2011). En général, l’amélioration génétique de la teneur en protéines est très difficile à atteindre car il s’agit d’un caractère multigénique dont la variation génétique est faible par rapport aux variations dues à l'environnement. Cependant le seul gène qui a été identifié, responsable de la teneur en protéines est le GPC-B1 ayant comme origine Triticum turgidum ssp. dicoccoides, ce gène a été transféré au blé dur et représente aujourd’hui une ressource précieuse pour augmenter les taux de protéines au niveau des grains (Mesfin et al. 1999; Khan et al. 2000; Brevis et al. 2010). Aucune corrélation entre la teneur en protéines et le volume de sédimentation SDS n’a été enregistrée, cette absence de corrélation a été signalée par plusieurs études antérieures (Matsuo et al. 1982; Du Cros 1987; Vázquez et al. 1996; Brites and Carrillo 2001; Edwards et al. 2007). En effet, la teneur en protéines est contrôlée par l’environnement plus que l’expression génétique, contrairement au volume de sédimentation SDS exprimant la force de gluten qui repose particulièrement sur une base génétique. La large variabilité de la force de gluten qui est un caractère contrôlé principalement par la variation allélique des loci Glu-A1, Glu-B1, Glu-A3, Glu-B3, Glu-B2 et Gli-B1, pourrait donner une idée sur la diversité génétique obtenue par l’expression de ces loci (Vázquez et al. 1996; Brites and Carrillo 2001; Martinez et al. 2005).

 

Figure 2 : Profils variétaux des volumes de sédimentation.

1: Karim, 2: MahmoudI, 3: Inrat69, 4: Razzek, 5: Chili, 6: Souri, 7: Jenah-khotifa, 8: Om-rabii, 9: Iride, 10: Biskri, 11:Khiar, 12: Saragolla, 13: Nasr, 14: Grécale, 15: Agili, 16: Arbi, 17: Baîdha, 18: Sbéi, 19: Maestrale, 20: Derbessi

 

 

Figure 3 : Valeurs moyennes de sédimentation SDS en fonction des variétés de blé dur.

 

    1. Analyse de la diversité génétique du blé dur cultivé en Tunisie

Sur les 28 amorces utilisées, 23 se sont avérées polymorphes et 33 loci ont été ainsi identifiés. Le résumé de l'estimation du nombre d'allèles et les valeurs de PIC de toutes les amorces est présenté dans le tableau 2. Un total de 120 allèles a été identifié pour toutes les variétés. Le nombre d'allèles par amorce varie de 2 pour Wmc49 et Gwm369 jusqu’à 12 chez Cfa2129 avec une moyenne de 5,2 allèles par locus polymorphe (tableau 2). Les valeurs de PIC minimales et maximales sont 0,13 (Gwm369) et 0,87 (Wmc722), avec une valeur moyenne de PIC = 0,53 (tableau 2). Les marqueurs microsatellites utilisés sont très instructifs. Les marqueurs ayant des valeurs de PIC 0,5 ou plus sont très informatifs pour les études génétiques et ils sont extrêmement utiles pour distinguer le taux de polymorphisme relatif à un marqueur spécifique à un locus (Sundaram et al. 2007).

 

Tableau 2 : Caractéristiques de chaque amorce

Amorces

PIC

No. allèle (rare)

Chr

Amorces

PIC

No. allèle (rare)

Chr

WMC49

0 ,61

3(1)

1B

Cfd079b

0 ,33

7(2)

3A/3B

WMC329

0,43

2(0)

1B

WMC621

0,69

3(0)

6A/6B

WMC51

0,43

3(1)

1B

CFA2129

0,61

12(9)

1A

WMC550

-

-

1A

WMC110

0,44

8(6)

5A

WMC798

0,84

4(1)

1B

BARC101

0,44

4(1)

2B/6B

WMC619

0,54

6(1)

1B

BARC83

0,31

2(0)

1A

GWM374

-

-

2B/3A

BARC231

0 ,53

3(2)

7A

GWM550

-

-

1B/7A

GWM573

0,37

3(1)

7A/7B

GWM608

-

-

6B

GWM46

0.72

5(2)

7B

GWM5

0 ,64

7(4)

3A

BARC240

0,72

4(1)

1B

GWM68

0,58

7(2)

3A

GWM146

-

-

7B

GWM369

0,13

2(1)

3A

WMC722

0,87

9(4)

4A

BARC355

0,39

7(4)

5A

WMC553

0,34

3(1)

6A

PSP3030

0 ,70

4(1)

4B

WMC116

0,53

12(11)

7A

 

PIC : polymorphisme information content, No : nombre, Chr : chromosome

 

Le dendrogramme de similarité (figure 4) est établi à partir des valeurs de similarité génétique qui varient de 58% entre « Inrat 69 » et « Jenah-Khottifa », jusqu’à 95% entre «Mahmoudi» et «Chili». Une coupure au niveau de 62% de similarité au niveau du dendrogramme analysé a permis de regrouper les génotypes en trois grands groupes de variétés similaires. Le premier groupe est composé de 13 génotypes dont cinq sont des variétés locales (Chili, Mahmoudi, Ouard Bled et Souri) et huit variétés améliorées (Inrat69, Grécale, Nasr, Karim, Razzek, Iride, Saragolla et Om Rabii). Le second groupe est formé par onze génotypes dont neuf variétés anciennes (Swabâa Algia, Aouija, Hmira, Richi, Derbessi, Baidha, Aouadhi, Bidi et Biskri) et deux variétés améliorées (Khiar et Maestrale). Le troisième groupe contient trois anciennes variétés (Sbéi, Agili et Jenah-Khotifa) (figure 4).

 

Figure 4 : Dendrogramme de similarité de 27 variétés de blé dur tunisien (UPGMA).

 

Le rassemblement de la majorité des nouveaux cultivars dans le premier groupe pourrait être expliqué par la présence de plusieurs caractères physiologiques et morphologiques en commun tels que la précocité, le rendement élevé, la longueur de la plante (semi naines) et la force de gluten. En plus la majorité des variétés modernes sont reliées par pédigrées, les variétés ayant un lien de parenté sont classées ensemble (Medini et al. 2005). Une similarité de 90% qui rapproche les deux variétés Karim et Razzek est expliquée par le fait que Karim est un parent direct de Razzek. Les cultivars Khiar et Iride ont la variété Altar 84 comme parent commun alors qu’Iride est un parent de Maestrale, ce qui explique une similarité de 85% entre Maestrale et Khiar. La variété Mahmoudi est un parent d’Inrat 69 ce qui explique leur présence dans le même groupe. Les relations entre les pédigrées et les estimations de la similarité génétique ne sont pas toutes significatives. Cependant, de faibles corrélations entre le lien de parenté et la similarité génétique sur la base de marqueurs moléculaires ont également été signalées par d’autres auteurs (Autrique et al. 1996; Bohn et al. 1999 ; Medini et al. 2005). Ces estimations peuvent être biaisées par la pression de sélection, la contribution parentale inégale, et aussi la parenté des ancêtres sans pedigree connu. Bohn et al. (1999) ont souligné que le biais généré dans le procédé de ségrégation de blé et d'orge est basé sur la similarité phénotypique au parent supérieur. Cependant, les marqueurs d'ADN ont l'avantage de détecter directement la variation de séquence entre les cultivars et ceci n’est pas influencé par des hypothèses inhérentes à l'analyse de pédigrée (Manifeste et al. 2001 ; Soleimani et al. 2002).

Le programme d’amélioration de la qualité du blé est basé sur la sélection des génotypes parentaux avant croisement en fonction de leurs distances génétiques estimées par les variations des marqueurs moléculaires. Le croisement entre les génotypes génétiquement éloignés augmente la variation génétique dans les populations de croisement (Bertan et al. 2007). Ceci est essentiel pour les programmes d'amélioration surtout pour les caractères multigéniques tels que la qualité de gluten et la teneur en protéines du blé dur, tout en prenant en compte l’influence de l’environnement. Parmi les contraintes qui se posent à l’amélioration des caractères qualitatifs telle que la teneur en protéines, on peut citer la précocité de la période végétative et le remplissage des grains. La précocité de l’épiaison peut être utilisée comme critère de sélection pour améliorer la production dans les zones sèches (Amor et al. 2005). C’est l’un des caractères les plus importants dans l’adaptation des plantes au déficit hydrique terminal. Ainsi, en conditions méditerranéennes, la recherche d’une plus grande précocité a été, jusqu’en 1992, le moyen le plus utilisé pour éviter les effets négatifs du déficit hydrique et des hautes températures de fin de cycle sur le remplissage des grains (Dib et al. 1992). Cependant, les variétés locales à cycle tardif possèdent une teneur en protéines élevée par rapport aux variétés productives modernes. Le blé dur est généralement cultivé en conditions pluviales dans le bassin méditerranéen, qui imposent souvent un certain nombre de contraintes environnementales sur les variétés tardives. Une combinaison de la rareté de l'eau et des températures chaudes pendant la période de remplissage des grains, se traduit généralement par des baisses de rendement, mais dans la plupart des cas, on obtient une très bonne qualité de grain (Nazco et al. 2012).

 

  1. Conclusion

La variabilité génétique est importante au niveau des génotypes étudiés qui constituent un important échantillon de notre patrimoine génétique de blé dur. Cette étude pourrait nous aider à mieux utiliser les parents éloignés dans nos futurs croisements afin d’élargir notre base génétique. Une diminution significative de la diversité du blé dur en Tunisie a été observée suite au remplacement des variétés autochtones par les cultivars améliorés. Ceci a été associé à une perte de quelques caractères tels que la teneur en protéines qui est un caractère très important sur les deux plans technologique et nutritionnel. D’après nos résultats, les variétés autochtones constituent un patrimoine génétique riche et une piste d’investigation pour la recherche de nouveaux gènes qui interviennent dans l’amélioration du taux de protéines et par conséquent l’efficience d’utilisation de l’azote par la plante. De plus, les variétés améliorées ayant une force de gluten élevée peuvent être un important support pour l’identification de gènes et d’allèles responsables du même caractère. Dans ce sens et afin d’améliorer la qualité du gluten, nous proposons que les améliorateurs choisissent des parents comme Saragolla, Grécale et Nasr. D’autre part, pour améliorer la teneur en protéines du grain, nous recommandons que ces améliorateurs sélectionnent des parents comme Chili ou Bidi. Il est préférable d’éviter la variété Karim au niveau des croisements, bien qu’il s’agisse de l'une des plus cultivées en Tunisie (bon rendement, adaptation aux conditions climatiques et résistance aux maladies), car elle possède une faible force de gluten jugé en plus par son allèle ɣ-42 qui est un marqueur de mauvaise qualité (Ammar et al. 2011).



5. Références

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