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Multiplication de l’Arganier Argania spinosa (L.) Skeels

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H. Mezghenni 2

L. Hamrouni 1

M. Hanana 3

B. Jamoussi 4

S. Bouzid 2

M. L. Khouja 1

 

1 Laboratoire d’Ecologie et d’Amélioration Sylvo-Pastorale, Institut National de Recherches en Génie Rural, Eaux et Forêts, P.B. 10, 2080 Ariana Tunisie.

2 Faculté des Sciences de Tunis, Campus Universitaire, El Manar II, 2092. Tunis.

3 Laboratoire de Physiologie Moléculaire des Plantes, Centre de Biotechnologie de Borj-Cédria, B.P. 901, 2050 Hammam-Lif, Tunisie.

4 Laboratoire de Chimie, Institut Supérieur d’Enseignement et de Formation Continue de Tunis, Le Bardo, Université Virtuelle de Tunis, Tunisie.

 

Abstract - The objective of our work is the optimization of the ex and in vitro multiplication technics of argan. For the ex vitro germination; argan seeds were collected from the arboretum of INRGREF (Tunisia) and cultivated under greenhouse. For the in vitro germination, the seeds were cultivated on MS/2 medium. Cuttings resulting from in vitro germination were put on various MS/2 medium added with growth regulators (5 hormonal combinations having different concentrations of auxin, cytokinin and gibberellin). The several provenances, originating from Morroco, tested in and ex vitro were : « Tiguemiouzour », « Foum el hassen », « Bouisakarme » and « Smimou ». The results showed that the average rate of ex vitro germination is variable according to the tested provenance and that this rate varies between 36 and 60 %. While for the in vitro germination, the average rate of germination is higher and varies between 74 and 96 %. For the assay of microcutting realized from cuttings stemming from in vitro germination, the best rate of multiplication is 7 obtained for the provenance Foum el hassen on a medium containing 0,5 mg / l GA3 ; 1mg / l KIN and 0,5 mg / l AIB. We registered a better average number of shoots which varies from 2,5 to 7,5 for the provenance Tiguemiouzour in the 1rst subculture on MS/2 medium added of 0,5mg/l GA3 ; 0,5mg/l AIB et 1mg/l KIN.

 

Keywords: Argania spinosa, multiplication, germination, in vitro culture, microcutting

 

Résumé - L’objectif de notre travail consiste à optimiser les techniques de multiplication ex et in vitro de l’arganier. Pour la germination ex vitro, des graines d’arganier récoltées de l’arboretum de l’INRGREF (Tunisie) ont été mises en culture sous serre dans des plaquettes remplies de terreau et de perlite. Pour la germination in vitro, les graines d’arganier sont mises en culture sur milieu MS/2 et placées dans une chambre de culture en conditions contrôlées. Les vitropousses issues des graines germées in vitro sont par la suite repiquées sur différents milieux de culture additionnés de régulateurs de croissance (5 combinaisons hormonales avec différentes concentrations d’auxines, de cytokinines et de gibbérellines). De même plusieurs provenances d’origine marocaine ont été testées in et ex vitro à savoir : « Tiguemiouzour », « Foum el hassen », « Bouisakarme », et « Smimou ». Les résultats obtenus montrent que le taux moyen de germination ex vitro est variable selon la provenance testée et que ce taux varie entre 36 et 60%. Alors que pour la germination in vitro, le taux moyen de germination est nettement meilleur et varie entre 74 et 96%. Pour l’essai de microbouturage réalisé à partir des boutures issues de germination in vitro, le meilleur taux de multiplication est de 7 obtenu chez la provenance Foum el hassen sur un milieu contenant 0,5 mg/l GA3 ; 1mg/l kinétine et 0,5 mg/l AIB. Nous avons enregistré le meilleur nombre moyen de pousses qui varie de 2,5 à 7,5 chez la provenance Tiguemiouzour à la 1ère subculture sur milieu MS/2 additionné de 0,5mg/l GA3 ; 0,5mg/l AIB et 1mg/l KIN.

 

Mots clés: Argania spinosa, multiplication, germination, culture in vitro, microbouturage

 

1. Introduction

L’Arganier, Argania spinosa (L.) Skeels, est une espèce forestière de la famille des Sapotacées de l’ordre des Ebénales, endémique du sud-ouest marocain (en particulier la plaine du Souss), en zone aride et localisée également dans le sud-ouest algérien dans la région de Tindouf (Radi 2003). Il est d’ailleurs le seul arbre à croître au nord du Sahara. C’est un arbre épineux, pouvant atteindre 8 à 10 mètres de haut (Jaccard 1926; Wagret 1962), sa longévité peut atteindre 150 à 200 ans et il est très résistant à la sécheresse et à la chaleur (Charrouf 1999). L’Arganier est un arbre « multi- usage », chaque partie (bois, feuille, fruits et huile) est utilisable et représente une source de revenu et de nourriture pour l’usager. C’est ainsi, qu’au Maroc il constitue la deuxième essence forestière du pays et couvre une superficie de plus de 828.000 ha (Charrouf 2001). En effet, l’arganier joue un rôle socio-économique à savoir la production de bois (estimée à 400 000 stères soit 13 % de la production marocaine en bois combustible) (Benzeyane 1995), la production de charbon, l’alimentation des troupeaux (caprins, bovins …), la production de l’huile d’argan (utilisée dans l’alimentation et la fabrication des produits cosmétiques et pharmaceutiques) constituant en fait la principale source de revenu pour les populations locales. De plus, cet arbre joue un rôle dans l’équilibre écologique. Il l permet de lutter contre l’érosion éolienne et hydrique par le maintien de l’humidité et de la fertilité du sol, efficace contre la désertification, il permet une agriculture plus rentable. Ces dernières caractéristiques font de lui un arbre particulièrement intéressant pour le développement de ces zones arides. L’huile d’argan est le principal produit de l’arganier, extraite à partir du fruit et plus précisément à partir des amandes par des procédés d’extractions spécifiques (extraction artisanale ou traditionnelle, industrielle par pression ou par solvant organique et semi-industrielle), elle est d’une valeur alimentaire élevée (d’où son utilisation en cuisine), également thérapeutique (utilisée en médecine traditionnelle) et cosmétique (fabrication de crèmes hydratantes et nourrissantes, sticks pour les lèvres, shampoing …). Or, au Maroc l’Arganier est menacé de disparition car il subit des pressions et agressions diverses. Les problèmes majeurs auxquels cet arbre est confronté sont multiples (M’hirit 1989) :

  • L’Arganier régresse en termes de superficie et surtout de densité en raison de pâturage anarchique,

  • L'aire de l'Arganier se rétrécit d'année en année sous l'effet conjugué de l'accroissement de la population (surtout autour d’Agadir) et de l'apparition des cultures intensives (notamment le maraîchage sous serres),

  • Utilisation abusive de son bois pour produire du charbon.

La régénération naturelle de l’Arganier est actuellement très faible voir même absente car les graines sont récoltées pour l’extraction des huiles, celles qui échappent à la récolte germent et donnent de jeunes plantules qui seront broutées par le bétail (M’hirit 1989). L’Arganier a été introduit en Tunisie, en Israël, en Afrique du Sud, en Australie, en Floride et dans d’autres régions du globe (Nouaim and Chaussod 1993). En ce qui concerne les essais de son introduction en Tunisie, l’Arganier a été introduit dans un grand nombre de stations entre les années 1963 et 1968 à savoir  Tunis (INRGREF), Korbous, Sousse (El Hanya)… et ceci malgré les difficultés rencontrées ; les plantations sont limitées et n'ont pas dépassé le stade expérimental, la faute étant attribuée aux mauvaises techniques de plantation utilisées (Inventaire INRGREF, 2008). Or, malgré son importance, cette espèce n’est pas valorisée en Tunisie, elle est pratiquement délaissée. Ainsi, l’objectif du présent travail consiste à développer et optimiser les différentes techniques de multiplication de l’arganier soit par les méthodes traditionnelles soit par les méthodes de biotechnologies végétales afin d’augmenter quantitativement sa production, d’analyser son adaptation aux conditions climatiques de notre pays et de le valoriser. La pratique de ces techniques sera exercée sur quelques provenances de la collection d’arganier de l’arboretum de l’INRGREF (Tunis).

 

2. Matériel et méthodes

2.1. Matériel végétal

Les graines d’arganier sont collectées du jardin botanique de l’INRGREF. Ainsi, quatre provenances d’origine marocaine ont été testées in et ex vitro à savoir  Tiguemiouzour, Foum el hassen, Bouisakarme et Smimou. Les fruits d’arganiers chutés sont ramassés au dessous des arbres et ceci durant la période allant de mi-juin jusqu’au mois de juillet 2008 (maturités morphologique et physiologique optimales), puis séchés à l’air libre et conservés dans une chambre froide à 4 °C jusqu’au moment de semis. Pour les essais de microbouturage, les boutures sont prélevées sur des jeunes plantules issues de la germination in vitro (âgées de 45 jours).

 

2.2. Techniques de multiplication

2.2.1. Multiplication ex vitro par semis 

Prétraitements des graines 

Etant donné les difficultés rencontrées dans la multiplication de l’arganier par le biais de graines, d’une part en raison de la présence d’un noyau central dur entouré d’un péricarpe charnu et épais qui a pour conséquence de retarder la germination, et d’autre part à cause de  la propriété  de l’embryon (dormance endogène), nous avons procédé à l’application de différents prétraitements des graines avant leur semis. Cet essai consiste à comparer 6 traitements de germination de la graine : T1 : Témoin (sans traitement) : graines avec pulpe ; T2 : Trempage des graines avec pulpe dans l’eau chaude bouillante (95 °C) durant 24 h ; T3 : Dépulpage des graines ; T4 : Scarification chimique des graines avec pulpe à l’acide sulfurique (96 %) (H2SO4) pendant 10 minutes ; T5 : Dépulpage puis trempage dans l’eau chaude bouillante (95 °C) durant 24 h et T6 : Scarification mécanique.

 

Désinfection des graines 

Les graines sont désinfectées par un trempage pendant 30 minutes dans un fongicide (Benlate, 1 g/l), puis dans l’eau de javel (50 %) pendant 30 minutes. En passant d’une étape à une autre les graines sont lavées 3 fois à l’eau distillée. Les graines sont par la suite mises à germer dans des plaquettes remplies de terreau mélangé de perlite à raison d’une graine par alvéole et sont placées sous serre vitrée sous des conditions contrôlées (Température: 25 °C, Humidité relative: 80 %).

 

Essai de germination ex vitro 

Notre étude a porté sur des lots récents de graines d’arganier des mêmes provenances utilisées précédemment dans les prétraitements : Foum el hassen, Bouisakarme, Tiguemiouzour et Smimou afin de pratiquer directement le traitement qui a donné l’optimum de graines germées. Pour cela, nous disposons d’une quantité de 120 graines d’Argania spinosa à raison de 30 graines par provenance.

 

2.2.2. Multiplication in vitro

2.2.2.1. Essais de germination in vitro 

Les graines ont été dépulpées et décortiquées (scarifiées mécaniquement) afin de dégager les amandes. Ces essais de germination ont été réalisés dans le but de suivre la cinétique de germination de chaque provenance d’arganier et d’obtenir des jeunes plantules utilisées ultérieurement pour la micropropagation.

 

Désinfection des amandes 

Les amandes ont été désinfectées par un trempage dans une solution de détergeant avec quelques gouttes de Tween  pendant 1 à 2 minutes, ensuite stérilisées pendant 30 minutes dans une solution de fongicide (Benlate, 1g/l), puis immergées 15 minutes dans une solution de bichlorure de mercure (1 g/l). Chaque étape est suivie de 3 rinçages à l’eau distillée stérile. On procède enfin à un trempage dans l’hypochlorite de sodium (12 °) dilué de moitié pendant 30 minutes avant rinçage avec de l’eau distillée stérile (3 à 4 fois) sous une hotte à flux laminaire. Les amandes sont finalement séchées sur papier filtre stérile avant leur semis sur le milieu de culture.

 

Milieu de culture 

Le milieu de culture utilisé est le milieu MS/2 (Murashige and Skoog 1962), additionné de 20 g/l  saccharose et solidifié par 8 g/l agar. Avant l’addition de ce dernier, le pH du milieu doit être ajusté à 5,7. La stérilisation est faite par autoclavage à 120 °C pendant 15 minutes.

 

Mise en culture 

Le semis des graines est réalisé dans des flacons remplis de milieu de culture MS/2 (25 ml) à raison de 3 graines par flacon. 50 graines par provenance ont été semées. Les flacons sont disposés dans une chambre de culture dont les conditions contrôlées sont caractérisées par une température de 25 °C +/- 1 °C, une humidité relative de 80 %, une photopériode de 16 h lumière/8h obscurité et une luminosité de 1500 µmoles. m-2.s-1.

 

2.2.2.2. Micropropagation à partir de microboutures issues de la germination in vitro 

Etablissement des cultures

Les microboutures d’arganier sont prélevées à partir de jeunes plantules issues de la germination in vitro, de taille comprise entre 1 à 2 cm et avec un nombre d’entre-nœud variable (de 1 à 3) et disposées à raison de 3 microboutures par flacon sur milieux MS/2 sans et avec hormones (tableau 1).

 

Tableau 1 : Combinaisons hormonales utilisées pour la micropropagation et additionnées aumilieu MS/2

 

Régulateurs de croissance (mg/l)

Milieux

BAP

GA3

AIB

ANA

KIN

M0

0

0

0

0

0

M1

1

0,5

0,5

0

0

M2

0,5

0

0

0

0

M3

0

0,5

0,5

0

1

M4

0

0,5

0

0,5

1

AIB = acide indol-3-butyrique, BAP = 6-benzylaminopurine, KIN = kinétine, GA3 = acide gibbérellique

 

Stade de multiplication 

Ce stade consiste en une multiplication des vitropousses. Au cours de la phase d’initiation, nous obtenons des pousses feuillées. Ces derniéres, sont découpées en microboutures de taille comprise entre 1 à 2 cm à raison de 3 microboutures par flacon et sont repiquées sur milieux MS/2 sans et avec phytohormones pour un meilleur développement des bourgeons axillaires. En outre, nous avons utilisé 4 combinaisons avec différentes concentrations d’auxines (AIB et ANA), de cytokinines et de gibbérellines (tableau 1). L’ajout des régulateurs de croissance dans le milieu de base MS/2 a pour objectif d’améliorer le débourrement, la prolifération et le taux de multiplication. Nous avons effectué 2 subcultures chacune durant 45 jours au cours desquelles nous avons observé l’effet des régulateurs de croissance sur les paramètres suivants : le taux de multiplication des pousses feuillées, le nombre moyen des pousses néoformées pour chaque milieu, le nombre de bourgeons débourrés et le nombre moyen de feuilles formées.

 

Stade d’enracinement et d’acclimatation 

Après 4 à 6 semaines de la mise en culture, les pousses d’aspect vigoureux ont formé une racine principale sur milieu MS/2 dépourvu d’hormone (M0). Ces vitropousses enracinées sont transférées en pots remplis de substrat de culture (½ perlite, ½ terreau) en vue de leur acclimatation sous serre (Humidité relative : 80 %, Température : 25 °C, Eclairage naturel) et arrosées quotidiennement avec de l’eau de robinet.

 

3. Résultats et discussion

3.1. Multiplication ex vitro par semis 

3.1.1. Effet du prétraitement des graines sur le taux de germination des différentes provenances d’Arganier

Nous avons testé six traitements dans le but de résoudre le problème de dormance des graines d’Argania spinosa. L’obstacle majeur de cette étude est l’inhibition tégumentaire durant la culture ex vitro des graines d’arganier. Le taux de réussite de germination dépend du type de traitement et de la provenance. Le semis direct des graines avec pulpe (T1) nous a permis d’obtenir un taux de germination compris entre 20 et 27 % pour toutes les provenances (figure 1). Le traitement par l’acide sulfurique (T4) est celui qui affiche les taux de germination les plus faible (6,66 à 14 %), il semble peu efficace pour lever la dormance des graines. Les traitements T2 et T5 assurent un taux de germination moyen (27 à 54 %). Quant au traitement par scarification mécanique (T6), ce dernier affiche un pourcentage de germination moyen qui varie entre 7 et 27 % pour toutes les provenances. On remarque que le traitement par dépulpage T3 présente des résultats satisfaisants chez toutes les provenances (54 à 74 %) mais il est plus remarquable chez la provenance Foum el hassen avec un taux de germination qui s’élève à 74 % (figure 1). Le semis des graines dépulpées nous a permis d’obtenir un meilleur pourcentage de germination. On peut donc utiliser cette méthode qui a l’avantage de présenter un taux de germination maximum. Il a été constaté que la technique de trempage des graines dans l'eau est tout à fait suffisante pour obtenir une bonne germination et que les traitements à l'acide préconisés par certains auteurs sont inutiles (Nouaim 1994). Il a été montré également que le taux de germination est d'autant plus élevé que les graines sont grosses et de récolte récente, et qu'on procède à une légère désinfection qui évite les contaminations responsables des fontes de semis (Nouaim 1991; Chaussod and Nouaim 1994; Nouaim et al. 1995). Selon ces auteurs, le faible taux de germination est dû à l’inhibition tégumentaire, celle-ci peut être rompue par simple scarification mécanique sans risque pour la viabilité de l’embryon. Sous l’action de la scarification mécanique, les enveloppes tégumentaires deviennent plus perméables à l’eau ce qui favorise l’imbibition et l’oxygénation de l’embryon, conduisant ainsi à une élimination de la dormance tégumentaire et au déclenchement du processus physiologique de la germination. Cependant, le traitement réalisé par scarification mécanique (T6) n’a pas abouti à de résultats satisfaisants. La dormance tégumentaire a été également évoquée comme principal problème et obstacle à la germination des graines d’arganier par Khelifi et al. (1996). Dans un contexte de multiplication végétative de l’arganier, Bellefontaine et al. (2011) ont préconisé l’utilisation des techniques de greffage, drageonnage et bouturage.

 

Figure 1: Effet des traitements sur le taux de germination des graines de différentes provenances d’Argania spinosa.

T1 : Témoin (sans traitement) : graines avec pulpe ; T2 : Trempage des graines avec pulpe dans l’eau chaude bouillante (24h); T3 : Dépulpage des graines ; T4 : Scarification chimique des graines avec pulpe à l’acide sulfurique (H2SO4) pendant 10 minutes et T5 : Dépulpage puis trempage dans l’eau chaude (24h), T6 : Scarification mécanique.

 

3.1.2. Essais de germination ex vitro 

Etant donné que le traitement T3 (dépulpage des graines) a permis d’obtenir le taux de germination le plus élevé chez toutes les provenances, il a été utilisé dans les essais de germination ex vitro analysant par conséquent leur cinétique de germination. La courbe de germination présente une phase de latence assez longue qui dure un mois, une phase exponentielle de germination durant 45 jours et une phase stationnaire caractérisée par un arrêt de germination (figure 2b). Les trois provenances Smimou, Tiguemiouzour et Foum el hassen présentent une phase exponentielle en moyenne de 48 jours, alors que celle de Bouisakarme est plus étalée(60 jours)(figure 2b). Ainsi, bien qu’elle présente le taux de germination le plus élevé (60 %) (figure 2a), la provenance Bouisakarme est celle qui germe le moins vite.

 

Figure 2a : Pourcentage de germination ex vitro de quatre provenances d’Arganier. Les valeurs représentent une moyenne de 3 répétitions.

 

Figure 2b : Cinétique de germination ex vitro de quatre provenances d’Arganier.

 

3.2. Multiplication in vitro

3.2.1. Essais de germination in vitro

Le comptage quotidien des graines germées nous a permis de tracer la cinétique de la germination (figure 3b). L’évolution de la germination au cours du temps montre que le taux de germination augmente en suivant une allure sigmoïdale. La courbe de germination présente une phase de latence qui dure 3 à 4 jours, une phase exponentielle de germination durant 6 jours et une phase stationnaire correspondant à un arrêt de germination (figure 3b). Ainsi, ce n’est qu’entre le 3ème et le 4ème jour après la mise en culture que les premières graines germées ont été observées. Le taux de germination in vitro est important pour toutes les provenances (figure 3a), mais les meilleurs résultats enregistrés, correspondant à un taux élevé de germination sont obtenus chez les provenances Smimou (92 %) et Bouisakarme (96 %). L’utilisation d’un milieu MS/2 est largement suffisante pour la germination in vitro, particulièrement pour les provenances Smimou et Bouisakarme. Contrairement aux essais de germination ex vitro, dont la phase de latence des graines germées est longue, celle in vitro se caractérise par un temps plus court. D’une manière générale, la germination in vitro (milieu MS/2) est plus rapide que celle ex vitro (sur terreau).

 

Figure 3a : Pourcentage de germination in vitro de quatre provenances d’Arganier. Les valeurs représentent une moyenne de 3 répétitions.

 

Figure 3b : Cinétique de germination in vitro de quatre provenances d’Arganier.

 

3.2.2. Micropropagation à partir de microboutures issues de la germination in vitro

Phase d’établissement des cultures

Durant cette phase, le débourrement des microboutures issues de la germination in vitro débute dans les vingt jours de la mise en culture, avec l’apparition de plusieurs feuilles. L’obtention de pousses vigoureuses, ayant des feuilles chlorophylliennes normales ne présentant pas l’aspect de vitrification, qui vont être excisées pendant la phase de multiplication. L’enracinement est absent sauf une seule microbouture qui a pu former une racine principale sur M0 chez la provenance Tiguemiouzour.

 

 

Phase de multiplication 

Variation du nombre de pousses en fonction des provenances et des milieux de cultures au cours des subcultures

L’analyse des résultats montre que pour le milieu témoin M0, le nombre moyen de pousses néoformées varie de 1 à 5,5. Ainsi, la provenance qui présente le nombre de pousses le plus élevé est Foum el hassen (5,5) à la 1ère subculture, alors que les autres provenances présentent un nombre moyen de pousses similaire variant entre 1 et 3,75 (figure 4a). Pour le milieu MS/2 additionné de 1mg/l BAP ; 0,5 mg/l GA3 et 0,5mg/l AIB (M1), les provenances d’arganiers ont un nombre moyen de pousses variant entre 4 et 5,5. Le maximum est enregistré chez la provenance Tiguemiouzour à la 2ème subculture. Concernant le milieu M2 contenant uniquement 0,5 mg/l BAP, les provenances présentent un nombre moyen de pousses compris entre 2 et 3,66. En effet, le pic est enregistré chez la provenance Tiguemiouzour à la 1ère subculture (figure 4a). Pour les deux milieux M3 et M4 contenant 0,5 mg/l GA3 ; 1 mg/l kinétine et des auxines (0,5 mg/l AIB pour M3 et 0,5 mg/l ANA pour M4), le nombre moyen des pousses varie entre 2,5 et 7,5 pour le milieu M3. Ainsi, le maximum est observé chez la provenance Tiguemiouzour à la 1ère subculture. Concernant le milieu M4, le nombre moyen de pousses varie entre 1 et 5. Le pic est enregistré chez la provenance Foum el hassen à la 2ème subculture. Concernant les trois milieux M1, M3 et M4, on note un développement important de cals à la base des pousses. Les cals sont de texture friable, de couleur jaune, brune ou parfois vert. Sur le milieu témoin dépourvu de régulateurs de croissances, les explants développent des pousses identiques aux pieds mères, mais leur nombre diminue à la 2ème subculture sauf pour la provenance Smimou pour laquelle il reste stable. Pour le milieu M1, on remarque une amélioration du nombre de pousses, en effet ce milieu a affiché les meilleurs résultats. L’influence de la BAP seule dans le milieu de culture (M2) se manifeste par un faible nombre moyen de pousses. La gibbérelline et la kinétine ont pu améliorer le développement dans les milieux M3 et M4. Les milieux M1, M3 et M4 qui ont favorisé l’apparition des cals, n’ont pas inhibé l’expression des bourgeons en axes végétatifs. Ainsi, le développement des cals à la base des pousses se manifeste uniquement lorsque l’AIB et l’ANA sont appliqués séparément selon (Bousselmane et al. 2001).

 

Figure 4a : Variation du nombre de pousses en fonction des provenances et du milieu de culture au cours des subcultures.

 

Variation du nombre des bourgeons débourrés en fonction des provenances et des milieux de cultures au cours des subcultures

Le milieu M0 a un nombre moyen de bourgeons débourrés qui varie de 0,5 à 2. Le maximum est enregistré chez la provenance Smimou à la 2ème subculture, les autres provenances présentent un nombre moyen de bourgeons débourrés qui varie de 0,5 à 1. Concernant le milieu M1, ce nombre variant entre 3 et 7. Ainsi, le pic est enregistré chez la provenance Foum el hassen au cours de la 2ème subculture (figure 4b). Pour le milieu M2 renfermant uniquement des cytokinines, le nombre moyen de bourgeons débourrés est compris entre 2 et 5. La provenance qui présente un pic est Foum el hassen au cours de la 2ème subculture. Les milieux M3 et M4 présentant des nombres moyens de bougeons débourrés qui sont respectivement (1,5 et 4) et (1 et 3), le maximum est enregistré chez la provenance Foum el hassen au cours de la 2ème subculture pour les deux milieux de cultures testés (figure 4b). L’analyse des résultats montre que le débourrement des bourgeons axillaires, tout comme la prolifération des pousses, est possible sur tout les milieux de culture. Le M0 milieu donne le nombre moyen le plus faible de bourgeons débourrés, contrairement au milieu M1 qui révèle le nombre le plus élevé pour toutes les provenances au cours de la 1ère et la 2ème subculture. Le milieu M1 a affiché le meilleur nombre de pousses et les meilleurs débourrements de bourgeons axillaires. Comme le montre les résultats, l’incorporation d’une cytokinine seule à une concentration de 0,5 mg/l (M2) ou à une concentration de 1mg/l additionnée d’une auxine et d’une gibbérelline (M1) a stimulé le débourrement des bourgeons axillaires (figure 5a). On peut dire que l’utilisation des phytohormones a permis d’augmenter le nombre de bourgeons axillaires.

 

Figure 4b : Variation du nombre de bourgeons axillaires débourrés en fonction des provenances et du milieu de culture au cours des subcultures.

 

Figure 5a : Débourrement des bourgeons axillaires sur milieu M1.

 

Variation du nombre moyen de feuilles en fonction des provenances et des milieux de cultures au cours des subcultures

D’après la figure 4c, on remarque que pour le milieu témoin M0, le nombre moyen de feuilles formées est compris entre 3 et 25,5. L’optimum est enregistré chez la provenance Foum el hassen au cours de la 2ème subculture. Pour le milieu M1, le nombre moyen de feuilles varie de 5,5 à 17. La provenance ayant le nombre le plus élevé est Smimou au cours de la 1ère subculture. Concernant le milieu M2 contenant uniquement 0,5 mg/l BAP, le nombre moyen de feuilles varie entre 3,66 et 20. Le pic est enregistré chez la provenance Smimou au cours de la 2ème subculture. Pour le milieu M3, le nombre moyen de pousses est compris entre 3,5 et 19. Le maximum est enregistré chez la provenance Foum el hassen à la 1ère subculture. Le milieu M4 présente un nombre moyen de feuilles néoformées compris entre 1 et 5. Le pic est enregistré chez la provenance Tiguemiouzour à la 2ème subculture. Pour le milieu témoin (M0), dépourvu de régulateurs de croissance, on note une amélioration du nombre de feuilles néoformées pour toutes les provenances, cette amélioration est marquée surtout chez la provenance Foum el hassen (25,5). C’est ainsi que ce milieu présente le nombre moyen de feuilles le plus élevé par rapport aux autres milieux. L’ajout de 0,5 mg/l BAP dans le milieu de culture M2 a stimulé et amélioré le nombre moyen de feuilles néoformées au cours de la 2ème subculture et ceci chez toutes les provenances.

Figure 4c : Variation du nombre moyen des feuilles en fonction des provenances et de milieu de culture au cours des subcultures.

 

Variation du taux de multiplication en fonction des provenances et des milieux de cultures au cours des subcultures

D’après la figure ci-dessous, le coefficient de multiplication varie entre 1 et 7. Le meilleur taux de multiplication des pousses est enregistré chez la provenance Foum el hassen (7), ceci dans le milieu M3 (figure 4d). Alors que pour Tiguemiouzour, la combinaison hormonale du milieu M3 (0,5 mg/l GA3 ; 1mg/l kinétine et 0,5 mg/l AIB) a donné le maximum de taux de multiplication de 3,5 à la 2ème subculture. En ce qui concerne la provenance Smimou, le milieu M4 a enregistré le taux de multiplication le plus élevé qui est de 4 à la 2ème subculture. On constate la complexité de la phase de multiplication, qui reste toujours variable due à une grande hétérogénéité de l’arganier. En ce qui concerne les aspects morphologiques, on constate que les tiges des vitroplants deviennent plus rigides d’une subculture à l’autre, alors que les feuilles demeurent chlorophylliennes, non nécrosées et leurs tailles restent stables.

 

Figure 4d : Action du milieu de culture et des subcultures sur le taux de multiplication.

Les valeurs représentent une moyenne de 4 répétitions

 

Phase d’enracinement

Au cours de la phase de mise en culture primaire (subculture 0), le milieu M0 a favorisé l’enracinement d’un seul plant d’arganier sur un total de 37 pousses chez la provenance Tiguemiouzour (une racine principale de 2 cm de long) et ceci après 4 semaines de la mise en culture (figures 5b, 5c). Les autres milieux riches en régulateurs de croissances n’ont pas pu favoriser l’enracinement des vitroplants. L’enracinement des microboutures d’arganier est très difficile et la qualité du système radiculaire produit in vitro pose de sérieux problèmes en phase d’acclimatation du fait que les racines secondaires ne se développent pas (Bouselmane et al. 2001). L’amélioration de l’enracinement a pu être réalisé grâce aux effets des régulateurs de croissances (AIB et ANA apportés à une concentration de 5 mg/l chacun), au charbon actif et au substrat de fibres de coco d’après Bousselmane et al. (2001). Selon Aloui et al. (2011), il est primordial de se concentrer dans les travaux à venir sur la mise au point et l’optimisation de l’enracinement et de l’acclimatation de cette espèce.

 

Figure 5b : Enracinement de vitroplant d’Argania spinosa sur le milieu M0.

 

 

Figure 5c : Vitroplant transféré en pot pour acclimatation sous serre

 

4. Conclusion

Compte tenu de l’importance de l’arganier et de son intérêt économique, notre présent travail a porté sur la multiplication de cette espèce pour une éventuelle production massale de plants dans le but, d’abord, d’étudier son comportement face aux conditions pédoclimatiques de notre pays puis d’envisager un programme d’introduction et d’implantation de l’espèce. Nous avons pu améliorer, in vitro, la germination de l’arganier. Notre étude a montré que la germination in vitro (entre 74 et 96 %) de l’arganier est plus élevée et plus rapide que celle observée ex vitro (entre 37 et 60 %). Par ailleurs, la scarification mécanique des graines a amélioré la capacité de germination in vitro avec une courte phase de latence, résolvant ainsi le problème de l’inhibition tégumentaire. La multiplication à partir de jeunes plantules d’arganiers issues de germination in vitro, indique la présence d’une différence de comportement de chaque provenance en fonction de la nature des milieux de culture et des subcultures. D’autre part, la technique de microbouturage, du fait de l’obtention de coefficients de multiplication élevés pour toutes les provenances (3 à 7), constitue aussi un moyen efficace de réaliser la multiplication conforme et massive de clones d’arganier, bien que la phase d’enracinement ne soit pas encore totalement maîtrisée.

 

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