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Effet des pratiques culturales sur l’apparition de la résistance aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS chez le ray-grass annuel (Lolium rigidum L.)
M. KHAMMASSI1*
H. CHAABANE2
N. BELBAHRI1
A. DRIDI2
T. SOUISSI2
1Institut National des Grandes Cultures (INGC).
2Institut National Agronomique de Tunisie (INAT).
Abstract - The control of annual ryegrass (Lolium rigidum L.) by effective herbicides systematically and repetitively can promote the development of resistance to inhibitor herbicides of Acétyl Coenzyme A Carboxylase (ACCases) and Acetolactate Synthase (ALS) in this grass weed. In this context, a study was conducted to detect the development of resistance in ryegrass for two herbicides Topik® (clodinafop-propargil, ACCases inhibitor) and Amilcar WG® (iodosulfuron+mesosulfuron, ALS inhibitor) by the RISQ Test (Resistance in-Season Quik Test) method. In parallel, surveys were conducted with farmers who provide information on the cultural practices adopted by farmers in surveyed areas in order to determine the causes favoring the emergence of resistance. The results of the RISQ test showed that the resistance was detected in ryegrass to inhibitor herbicides of ACCase and ALS. On 177 samples of ryegrass, 57.6% showed resistance to inhibitors of ACCase and 52% to inhibitors of ALS. The analysis of the surveys showed that most farmers adopt inappropriate cultural practices namely the absence of dethatching (67.4%), very early to early sowing (70.4%), self-produced seeds or from unknown origins (45.9%), absence of plowing (26.4%), absence of crop rotation (59.2%) and absence of alternating herbicides groups (56.1%). These cultural practices have favored the development of resistance in ryegrass at rates that can reach 100% for some farmers and with 41.4% resistance average (± 15.8) and 28.5% (± 12.4) respectively to ACCase and ALS. The appearance of resistance in ryegrass is highly correlated with the frequency use of inhibitors herbicides of ACCase (P = 0.00903 and R² = 0.982) and inhibitors herbicides of ALS (P = 0, 00035 and R² = 0.999).
Keywords: Ryegrass, resistance, ACCases, ALS, Cultural practices, Inappropriate.
Résumé - Le contrôle du ray-grass annuel (Lolium rigidum L.) par des herbicides efficaces, de façon systématique et répétitive peut favoriser le développement de la résistance aux herbicides inhibiteurs de l’Acétyl Coenzyme A Carboxylase (ACCases) et inhibiteurs de l’enzyme Acetolactate Synthase (ALS) chez cette mauvaise herbe adventice. Dans ce contexte, un travail a été réalisé pour détecter le développement de la résistance chez le ray-grass pour deux herbicides Topik® (clodinafop-propargil, inhibiteur de l’ACCases) et Amilcar WG® (iodosulfuron+mesosulfuron, inhibiteur de l’ALS) par la méthode de RISQ Test (Resistance In-Season Quik Test). En parallèle, des enquêtes ont été menées auprès des agriculteurs qui renseignent sur les itinéraires techniques adoptés par les agriculteurs des zones prospectées, afin de déterminer les causes favorisant l’apparition de la résistance. Les résultats du RISQ Test ont montré que la résistance a été détectée chez le ray-grass aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS. Sur 177 échantillons du ray-grass, 57.6 % ont montré une résistance aux inhibiteurs de l'ACCase et 52 % aux inhibiteurs de l'ALS. L'analyse des enquêtes a montré que la plupart des agriculteurs adoptent des pratiques culturales inappropriées à savoir l’absence de déchaumage (67.4 %), semis très précoce à précoce (70.4 %), semences autoproduites ou d’origines inconnues (45.9 %), absence du labour (26.4 %), absence de rotation des cultures (59.2 %) et absence d’alternance des groupes des herbicides (56.1 %). Ces pratiques culturales ont favorisé le développement de la résistance chez le ray-grass à des taux qui peuvent atteindre 100 % chez certains agriculteurs. L’appariation de la résistance chez le ray-grass est fortement corrélée à la fréquence d’utilisation des herbicides inhibiteurs de l’ACCase (P =0,00903 et R² = 0,982) et de l’ALS (P = 0,00035 et R² = 0,999).
Mots clés: Ray-grass, Résistance, ACCases, ALS, Pratiques culturales, Inappropriée.
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Introduction
Le ray-grass (Lolium rigidum L.) constitue un problème majeur dans les cultures céréalières, pour les agriculteurs surtout du nord de la Tunisie, à cause de sa forte densité et des échecs de désherbage enregistrés (Khammassi et al., 2013). Par ailleurs, le contrôle du ray-grass va entraîner des difficultés et des coûts supplémentaires pour les agriculteurs tunisiens. L’application des herbicides efficaces et de façon répétée par les agriculteurs s’est avérée être la meilleure solution et la plus rapide pour contrôler le ray-grass dans les cultures. Alors, dans ces conditions, la sélection de la résistance chez les mauvaises herbes est très élevée et la résistance peut se produire en quelques années seulement (Preston et Powles, 1998). Cependant, les cas de résistance aux herbicides chez les mauvaises herbes n’ont cessé d’augmenter et actuellement 250 espèces d’adventices (145 dicotylédones et 105 monocotylédones) présentant des plantes résistantes à au moins un herbicide (Heap, 2016). A travers le monde, les premiers cas de résistance chez le ray-grass (Lolium rigidum) ont été détectés aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase au début des années 1980 (Heap et Knight, 1982) et aux herbicides inhibiteurs de l’ALS au début des années 1990 (De la Carrera et al., 1999). Actuellement, le ray-grass a développé de la résistance à sept groupes d’herbicides (Groupe A, B, C1, C2, D et G et K1) qui sont généralisés sur 12 pays du monde (Heap, 2016). En Tunisie, le premier cas de résistance chez des populations de ray-grass (Lolium sp L.) a été signalé en 1996 aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase (Gasquez, 2000 ; Souissi et al., 2004) et ultérieurement aux herbicides inhibiteurs de l’ALS (Beldi, 2005 ; Menchari et al., 2009) dans des champs de blé au Nord de la Tunisie. De plus, la pratique du semis direct au nord de la Tunisie et sur des parcelles où la fréquence de plantes de ray-grass résistantes à d’autres modes d’action est très élevée, a entraîné une utilisation massive du glyphosate. Des résistances à cette molécule ont été observées en Australie chez le ray-grass (Yu et al., 2007). Cette pratique pourrait donc accentuer encore plus le problème de résistance chez le ray-grass en Tunisie, en sélectionnant des plantes résistantes à plusieurs modes d’action (ACCase, ALS et EPSPS). D’autre part, la pratique de la monoculture avec l’emploi systématique et répétitif des herbicides a entraîné l'apparition de la résistance (Darmency et Gasquez, 1990). La succession ininterrompue de cultures d’hiver, accompagné par l’utilisation répétée des herbicides, parfois unique et l’utilisation d’un itinéraire technique inapproprié en particulier le semis précoce, l’absence du faux semis et du labour, et les techniques simplifiées du travail du sol sont parmi les principaux facteurs qui peuvent favoriser à la fois le développement du ray-grass et la résistance herbicide chez cet adventice (Rubin, 1991 ; Gasquez et al., 1996 ; Powles et al., 1997). La résistance peut aussi se propager à partir des parcelles infestées vers des parcelles indemnes de résistance (Darmency et Gasquez, 1990). A l’opposé, plusieurs facteurs ont permis de prévenir ou de l’atténuer la résistance chez le ray-grass. Le labour (Ball, 1992 et Buhler, 1995), l’ajustement des dates de semis (Gill et Holmes 1997 ; Walsh et Powles 2007 ; Webster et al., 2009), l'application judiciaire des engrais (Norsworthy et al., 2007), la réduction de la banque de graines du sol (Neve et al., 2011) et l’introduction des cultures de printemps (Jouy et Guilbert 1998 ; Young et al., 1994) se sont révélées d’une très grande efficacité et diminue la probabilité de développement de la résistance. La diversification des cultures et le contrôle non chimique ne permettent pas d’empêcher le développement de la résistance mais favorisent la réduction de la probabilité de son apparition (Boerboom, 1999 ; Shane Friesen et al., 2000). Ce travail a pour premier objectif de détecter la résistance, chez le ray-grass annuel (Lolium rigidum L.) collectés de l’ensemble des zones céréalières, par deux méthodes: (i) bioessais [RISQ Test (Resistance In-Season Quik Test)] de Syngenta Agro Science (Kaundun et al., 2011) et (ii) d’analyser les enquêtes réalisées auprès des agriculteurs pour déterminer les causes entrainant l’apparition de la résistance chez le ray-grass annuel dans ces zones prospectées.
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Matériel et méthodes
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Zones de prospection
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Le nord et le nord-ouest de la Tunisie (Bizerte, Béja, Jendouba, Kef, Siliana, Zaghouan, Ariana et Manouba) ont été choisis pour les prospections. Les zones prospectées se situent entre 36° et 37° pour le Nord et entre 9° et 10° pour l'Est. Le lac d'Ichkeul, les barrages, les montagnes et les zones forestières ont été exclus des prospections (Figure 1).
Figure 1. Zones de prospection. |
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Collecte des semences du ray-grass
Sur une période de 4 campagnes (2010/11 to 2013/14), un nombre de 177 échantillons de semences du ray-grass ont été collectés des zones prospectées (Tableau 1). Les semences du ray-grass ont été collectées après une maturité complète des graines (fin-Mai au fin-Juin). Le choix des parcelles a été réalisé au hasard et les échantillons des semences du ray-grass ont été collectés selon un tour de parcelle en forme de W. Chaque parcelle, objet de collecte d’échantillon de ray-grass, a été repérée à l’aide d’un GPS (Geographic Position System) déterminant ses coordonnées à savoir le Nord (N), l’Est (E) et l’Altitude (A).
Tableau 1. Zones de prospection et nombre d’échantillons de semences du ray-grass.
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Zone de prospection |
Nombre d’échantillons |
Bizerte |
92 |
Béja |
32 |
Jendouba |
37 |
Kef |
02 |
Silaina |
05 |
Zaghouan |
05 |
Ariana |
02 |
Manouba |
02 |
Total |
177 |
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Detection de la resistance aux herbicides par la methode du RISQ test
Les semences des échantillons du ray-grass collecté ont été semés et ont fait l’objet de détection de la résistance par la méthode de RISQ Test® (Resistance In-Season Quik Test) mise en place et validée par Syngenta Agro Science (Kaundun et al., 2011). Deux herbicides Topik® et Amilcar WG®, homologués en Tunisie, ont été utilisés dans le RISQ Test avec dles doses discriminantes (Tableau 2). La résistance chez le ray-grass annuel a été évaluée par le pourcentage des plantules survivant après 14 jours de la mise en place du RISQ Test. Le classement de la résistance a été effectuées selon la méthode de Llewellyn et Powels (2001) [Sensible (S): = 0 %, Développement de la Résistance (DR): 1-20 % et Résistance (R): > 20 %].
Tableau 2. Herbicides utilisés en bioessais (RISQ Test) avec leurs caractéristiques. |
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Famille chimique |
Dose discriminante (µM) |
Substance active |
Concentration |
Nom commercial |
Sulfonylurées (Sulfos) |
0.1 |
Iodosulfuron +mésosulfuron |
30 g/kg+30 g/kg |
Amilcar WG |
Aryloxyphenoxypropinates (Fops) |
0.32 |
Clodinafop-propargil |
100 g/l |
Topik 100 |
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Effet des pratiques culturales sur l’apparition de la résistance chez le ray-grass
Des enquêtes ont été menées auprès de 98 agriculteurs des zones prospectées concernant la caractérisation de l’exploitation (spéculation, profil de l’agriculteur, matériel utilisé, etc.) et l’historique cultural sur trois campagnes (2007/08 -2008/09 et 2009/10) ont été renseignés, afin de connaître les itinéraires techniques (date de semis, rotation, travail du sol, programme de désherbage, substance actives utilisées, etc.) adoptés par les agriculteurs. L’effet des pratiques culturales sur l’apparition de la résistance chez le ray-grass a été déterminé par le dépouillement et l'analyse des enquêtes, moyennant le logiciel XLSTAT® (Anonyme 1, 2015). Une moyenne de la résistance a été déterminée pour chaque fréquence d’utilisation des groupes des herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS.
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Analyse statistique
Les données expérimentales ont fait l’objet d’une analyse de la variance (ANOVA) en utilisant le paquet statistique SAS® (Anonyme 2, 1985). Le dépouillement de l’enquête a été suivi par une analyse statistique simple et par une des correspondances multiples (ACM). Une analyse des corrélations de Pearson a été aussi réalisée entre la fréquence d’utilisation des groupes d’herbicides et l’apparition de la résistance chez le ray-grass aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS.
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Résultats
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Distribution du ray-grass
Les prospections ont montré que le ray-grass a infesté 32 % des parcelles prospectées, dont 87.8 % des agriculteurs ont un problème avec cette adventice. Le ray-grass est présent dans toutes les cultures (blé, orge, avoine, féverole, fenugrec et même dans les cultures maraichères) et dans plusieurs types du sol (lourd, moyen et léger). Au nord de la Tunisie, c'est la graminée la plus dominante dans toutes les parcelles prospectées, mais parfois se trouve dans les cultures associé avec le brome (Bromus rigidus) en premier lieu (20 %), avec le phalaris (Phalaris sp.) en second lieu (12 %) et avec la folle-avoine (Avena stéliris) en dernier lieu (7 %). Les pratiques culturales réalisées par les agriculteurs des zones prospectées n'ont pas empêchées le ray-grass de se développer et de causer des dégâts importants dans les rendements des céréales, surtout du blé dur.
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Détection de la résistance chez le ray grass
Les résultats de la détection de la résistance par la méthode du RISQ Test chez 177 populations du ray-grass des zones prospectées du nord et du nord ouest de la Tunisie ont montré qu’il existe trois classes [Sensibles (S), Développent de la Résistance (DR) et Résistantes (R)] pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS. Cependant, les populations résistantes du ray-grass sont de 57.6 % et de 52 % respectivement pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS. Toutefois, les populations du ray-grass ont montré plus de sensibilité aux herbicides inhibiteurs de l’ALS (33.9 %) qu’aux inhibiteurs de l’ACCase (20.9 %). Les populations en cours de développement de la résistance ou les populations à risque (DR) se développaient plus face aux inhibiteurs d'ACCase (21.5 %) qu’aux inhibiteurs d'ALS (14.1 %). Les résultats des bioessais (RISQ Test) ont donc confirmé l’apparition de la résistance chez le ray-grass annuel à la fois aux inhibiteurs d'ACCase et aux inhibiteurs d'ALS (Tableau 3).
Tableau 3. Répartition des populations du ray-grass selon chaque classe de résistance. |
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Classe de la résistance |
Effectif des populations |
Pourcentage des populations (%) |
||
ACCase |
ALS |
ACCase |
ALS |
|
S |
37 |
60 |
20.9 |
33.9 |
DR |
38 |
25 |
21.5 |
14.1 |
R |
102 |
92 |
57.6 |
52.0 |
Total |
177 |
177 |
100.0 |
100.0 |
Sensible (S): = 0 %, Développement de la Résistance (DR): 1-20 % et Résistance (R): > 20 % (Llewellyn et Powels, 2001). |
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Effet des pratiques culturales sur l’apparition de la résistance chez le ray-grass
L’étude des effets des pratiques culturales a été élaborée dont le but de préciser les causes qui favorisent l’apparition de la résistance chez le ray-grass dans les zones prospectées. L'analyse des enquêtes a montré que l’absence de déchaumage ou du faux-semis et le semis très précoce à précoce des blés (début à mi-novembre) ont été signalés respectivement chez 67.4 % et 70.4 % des agriculteurs. Les semences autoproduites ou les semences d’origines inconnues sont utilisées presque par la moitié des agriculteurs (45.9 %). Les labours sont absents chez 26.4 % des agriculteurs et à l’opposé, 73.6 % des agriculteurs ont appliqué les labours, dont 61 % utilisent des charrues à disque, généralement sans retournement du sol, pour le travail du sol en profondeur. L’analyse des enquêtes a révélé aussi que la plupart des agriculteurs pratiquement de la monoculture et ne respectent pas la rotation des cultures (59.2 %) et n’alternent pas les groupes des herbicides (56.1 %). Par ailleurs, l’introduction des cultures de printemps (tournesol) n’est signalée que chez 5 % des agriculteurs enquêtés. L’analyse souligne aussi l’impact prépondérant des effets culturaux dans l’apparition de la résistance aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS chez le ray-grass au nord et au nord ouest de la Tunisie. Cependant, le paquet itinéraire inadéquat suivi par certains agriculteurs, à savoir l’absence de déchaumage, le semis très précoce à précoce, l’absence du labour, l’utilisation des semences autoproduites ou des semences d’origines inconnues, l’absence des rotations des cultures et l’absence d’alternance des groupes d’herbicides ont tous favorisé le développement de la résistance chez le ray-grass pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS. Par ailleurs, la moyenne de la résistance chez le ray-grass pour l’ACCase a varié de 6.3 %, avec l’introduction des cultures de printemps (tournesol), à 50.8 %, avec l’absence du labour. La moyenne de résistance chez le ray-grass pour l’ALS a varié de 1.3 %, avec l’introduction des cultures de printemps (tournesol) à 36.9 % avec l’absence d’alternance des groupes d’herbicides. Cependant, la plupart des pratiques culturales inappropriés (absence du faux-semis, semis très précoce à précoce, absence du labour, semences autoproduites et d’origines inconnues, absence de rotation des cultures et d’alternance des groupes d’herbicides) adoptées par les agriculteurs ont favorisé le développement de la résistance et ont montré des taux de résistance qui peuvent atteindre 100 % et des moyennes de 41.4 % (±15.8) et de 28.5 % (±12.4) respectivement pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS (Tableau 4).
Tableau 4. Effet des pratiques culturales sur l'apparition de la résistance chez le ray-grass aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS. |
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Item |
Pourcentage (%) |
ACCase (%) |
Min |
Max |
Ecart-type |
ALS (%) |
Min |
Max |
Ecart-type |
Absence de déchaumage |
67.4 |
49.1 |
0 |
100 |
±39.7 |
32.7 |
0 |
100 |
±36.1 |
Semis très précoce à précoce |
70.4 |
49.6 |
0 |
100 |
±24.9 |
27.3 |
0 |
100 |
±35.6 |
Absence du labour |
26.5 |
50.8 |
0 |
100 |
±37.7 |
35.1 |
0 |
100 |
±36.0 |
Semence autoproduites ou d’origines inconnues |
45.9 |
47.7 |
0 |
100 |
±39.5 |
31.8 |
0 |
100 |
±36.0 |
Absence de la rotation des cultures |
59.2 |
45 |
0 |
100 |
±36.5 |
34.3 |
0 |
100 |
±34.7 |
Introduction des cultures de printemps |
5.0 |
6.3 |
0 |
18.8 |
±7.7 |
1.3 |
0 |
6.3 |
±2.8 |
Absence d’alternance des groupes d’herbicides |
56.1 |
41.4 |
0 |
100 |
±35.5 |
36.9 |
0 |
100 |
±36.1 |
L’analyse des correspondances multiples (ACM) montre que les contributions représentées dans le même coté sont celles de la résistance aux herbicides inhibiteurs des l’ACCase [R(ACCase)], la présence du ray-grass, l’absence de déchaumage ou du faux-semis, l’absence de rotation des cultures, l’absence du labour, semis précoces et absence de l’alternance des groupes d’herbicides. Cependant, ces contributions sont corrélées les uns aux autres. Alors, la présence de la résistance chez le ray-grass aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase [R(ACCase)] est corrélée avec les différentes contributions déjà citées (problème du ray-grass, absence de déchaumage, absence du labour, semis précoces et absence de l’alternance des groupes des herbicides). A l’opposé, les contributions au développement de la résistance aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase [DR(ACCase], l’absence de la résistance [S(ACCase)], l’absence des problèmes de mauvaises herbes, la rotation des cultures, le déchaumage, les semis très précoces, et les semis semi-tardifs et tardifs sont corrélées les uns des autres. En effet, l’absence de la résistance [S(ACCase)], les semis semi-tardifs et tardifs, et l-alternance des groupes des herbicides se situent en haut de l’axe 1. Alors que le développement de la résistance [DR(ACCase] se situe en bas de l’axe 1 avec les contributions: déchaumage, labour, semis précoce, rotation des cultures et absence du problème de ray-grass (Figure 2).
Figure 2. Analyse des Correspondances Multiples (ACM) pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase. |
L’analyse des correspondances multiples (ACM) montre que les contributions représentées sur le même côté sont celles de la résistance aux herbicides inhibiteurs de l’ALS [R(ALS)], le développement de la résistance aux herbicides inhibiteurs de l’ALS [DR(ALS)], la présence des problèmes du ray-grass, l’absence de déchaumage, l’absence de rotation, l’absence du labour, et les semis très précoces et précoces. Cependant, ces contributions sont corrélées les unes des autres, alors que la présence de la résistance [R(ALS)] et le développement de la résistance [DR(ALS)] sont corrélées aux différentes contributions déjà citées telles que le problème du ray-grass, l’absence de déchaumage, l’absence de rotation, l’absence de labour, le semis précoce et très précoce. A l’opposé, l’absence de la résistance [S(ALS-3)], l’absence des problèmes de mauvaises herbes, le déchaumage, la rotation des cultures, et les semis semi-tardifs et tardifs sont corrélés les uns des autres. En effet, la sensibilité aux herbicides inhibiteurs de l’ALS est corrélée à l’absence de problème de mauvaises herbes, le déchaumage ou le faux-semis, la rotation des cultures, le labour, et les semis semi-tardifs et tardifs (Figure 3).
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Fréquence d’utilisation des groupes d’herbicides
Le tableau 5 montre que la moyenne de la résistance augmente en fonction de la fréquence d’utilisation des herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS, alors que pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase, la moyenne de la résistance a augmenté de 23.8 % à 56 % et à 79.1 % respectivement avec des fréquences d’utilisation de 1 sur 3, de 2 sur 3 et de 3 sur 3. Toutefois, la moyenne de la résistance chez les herbicides inhibiteurs de l’ALS a augmenté de 32 % à 53.2 % et à 76 % respectivement avec des fréquences d’utilisation de 1 sur 3, de 2 sur 3 et de 3 sur 3. En effet, avec une fréquence d’utilisation des herbicides de 100 %, c'est-à-dire 3 applications du même inhibiteur d’herbicide, la moyenne de la résistance est très élevée avec les inhibiteurs de l’ACCase (79.1 %) et aussi avec les inhibiteurs de l’ALS (76 %). Par contre, certaines parcelles présentent des populations résistantes à l’un ou l’autre herbicide inhibiteur alors que, dans l’historique considéré (trois campagnes), elles n’ont jamais reçu d’herbicides inhibiteurs de l’ACCase (groupe A) ou inhibiteurs de l’ALS (groupe B) (Tableau 5).
Figure 3. Analyse des Correspondances Multiples (ACM) pour les herbicides inhibiteurs de l’ALS. |
Tableau 5. Effet de la fréquence d'utilisation des groupes d’herbicides sur la résistance du ray-grass aux herbicides. |
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Fréquence d’application |
Herbicides inhibiteurs de l’ACCase |
Herbicides inhibiteurs de l’ALS |
|||||
Agriculteur (%) |
Moyenne de la résistance (%) |
Ecart-type |
Agriculteur (%) |
Moyenne de la résistance (%) |
Ecart-type |
||
0 sur 3 campagnes |
22.5 |
9.2 |
±21.6 |
51.0 |
11.8 |
±19.5 |
|
1 sur 3 campagnes |
39.7 |
23.8 |
±25.4 |
20.4 |
32.0 |
±32.1 |
|
2 sur 3 campagnes |
15.3 |
56.0 |
±33.1 |
16.3 |
53.2 |
±33.5 |
|
3 sur 3 campagnes |
22.5 |
79.1 |
±16.5 |
12.3 |
76.0 |
±30.0 |
L’analyse de la corrélation de Person a montré qu’il existe une forte corrélation (P = 0,00903 au seuil 5 % et R² = 0,982) entre la fréquence d’utilisation des herbicides inhibiteurs de l’ACCase et l’apparition de la résistance chez le ray-grass. L’analyse a montré qu’il existe aussi une forte corrélation (P = 0,00035 au seuil 5 % et R² = 0,999) entre la fréquence d’utilisation des herbicides inhibiteurs de l’ALS et l’apparition de la résistance chez le ray-grass. Cependant, plus la fréquence d’utilisation des herbicides inhibiteurs d’ACCase ou inhibiteurs d’ALS est grande, plus le développement de la résistance chez le ray-grass est élevé.
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Discussion
En Tunisie, les agriculteurs utilisent systématiquement des herbicides de post-émergence, en particulier Amilcar, Puma et Topik, efficaces pour le contrôle du ray-grass dans les céréales. Après plusieurs campagnes de leurs utilisations, les agriculteurs surtout du nord de la Tunisie ont rapporté des échecs de désherbage durant ces dernières années. Ceci peut contribuer au développement de la résistance chez le ray-grass aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase et aux herbicides inhibiteurs de l’ALS. Ainsi, la résistance a été détectée uniquement dans quelques populations limitées du ray-grass collectées du nord de la Tunisie aux inhibiteurs de l’ACCase (Gasquez, 2000 ; Souissi et al., 2004) et aux inhibiteurs de l’ALS (Baldi, 2005 ; Menchari et al., 2009). Les autres zones à savoir la totalité du nord, le nord-ouest et le nord-est n’étaient pas encore prospectées avant ce travail. Cependant, cette résistance s’est peut être propagé dans ces nouvelles zones et devenait une menace sérieuse pour les agriculteurs. Afin de limiter le développement de la résistance à ces deux herbicides inhibiteurs des l’ACCase et de l’ALS, il est impératif de détecter et de gérer de manière fiable la résistance dès son apparition dans la parcelle et par conséquent diminuer les pertes des rendements.La détection de la résistance chez des populations du ray-grass collectées des zones céréalières de la Tunisie a été réalisée par la méthode de RISQ Test (Kaundun et al., 2011). Selon d’autres enquêtes, les agriculteurs tunisiens utilisent de façon répétée Topik (Clodinafop-propagyl) dès la fin des années 1980 et Amilcar WG® (Iodosulfuron+Mésosulfuron) dès la fin des années 1990 pour lutter principalement contre le ray-grass. A cet effet, la résistance a été développée dans les zones prospectées, surtout le nord de la Tunisie, à la fois aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase (clodinafop-propagyl) et de l’ALS (iodosulfuron+mésosulfuron). D’autre part, l’utilisation répétée des herbicides, parfois unique, et l’utilisation d’un itinéraire technique inapproprié ont favorisé l’apparition de la résistance (Rubin, 1991 ; Gasquez et al., 1996 ; Powles et al., 1997). Par ailleurs, les taux de résistance peuvent atteindre 100 % pour les inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS chez certains agriculteurs. L’identification des premiers cas de résistance en Tunisie, chez le ray-grass, a été signalé en 1996 (Gasquez, 2000 ; Souissi et al., 2004) pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase et en 2005 pour les herbicides inhibiteurs de l’ALS (Beldi, 2005 ; Menchari et al., 2009). Ainsi, sur une période d’une vingtaine d’années de la détection des premiers cas de résistance en Tunisie, aujourd’hui cette résistance est devenue généralisé sur plusieurs parcelles et sur plusieurs zones. Cette évolution des populations résistantes à ces herbicides inhibiteurs épuise plusieurs sources (Llewellyn et al., 2001 ; Pannell et Zilberman, 2001) et va entrainer la présence d’une mosaïque de résistance dans les zones prospectées (Délye et al., 2010). D’un autre côté, des itinéraires agronomiques inappropriés ont aussi été adoptés par certains agriculteurs, à savoir l’absence du déchaumage ou du faux-semis, le semis très précoce à précoce des blés, les semences autoproduites ou d’origines inconnues qui peuvent être contaminées par des grains résistants du ray-grass, l’absence du labour, l’absence de rotation des cultures et l’absence d’alternance des groupes des herbicides. Alors, la mise en œuvre de ces pratiques agronomiques non raisonnées s’est révélée d’une faible efficacité contre les adventices annuelles comme le ray-grass et par conséquent favorisent leur développement à des densités élevées. Elles ont entrainé le développement de la résistance chez le ray-grass à des moyennes de 45.3 % et de 31.8 % respectivement pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase et de l’ALS, avec des taux maximums de résistance qui peuvent atteindre 100 % chez certains agriculteurs. D’autre part, la pratique de la monoculture avec l’emploi systématique et répétitif des herbicides a entraîné l'apparition de la résistance (Darmency et Gasquez, 1990). A l’opposé, la rotation des cultures et le labour augmentent l'efficacité de lutte contre les adventices et diminue la probabilité de développement de la résistance (Ball, 1992 et Buhler, 1995). En parallèle, Boerboom (1999), Shane Friesen et al., (2000) ont montré que le contrôle non chimique et la diversification de la rotation culturale n’ont pas empêché le développement de la résistance mais favorise la réduction de la probabilité de son apparition. Par contre, l’introduction des cultures de printemps (tournesol) a favorisé un faible développement de résistance chez le ray-grass pour les herbicides inhibiteurs de l’ACCase (6.3 %) et de l’ALS (1.3 %). Néanmoins, les cultures de printemps peuvent réduire la densité du ray-grass, augmente l’efficacité des herbicides utilisés et peuvent également diminuer les risques de développement de la résistance. Ces cultures peuvent réduire la densité des mauvaises herbes qui lèvent pendant l'automne avec les céréales d’hiver et les légumineuses (Jouy and Guilbert, 1998) et favorisent aussi l'utilisation des herbicides à différents modes d'action (gestion des modes d'action), qui a permit la maîtrise quasi-totale de l’espèce et a empêché le développement de la résistance (Young et al., 1994). La fréquence d’utilisation des herbicides (ACCase et ALS) dans les zones prospectées est fortement corrélée avec l’apparition de la résistance chez le ray-grass. Cependant, le développement de la résistance est expliqué, d'une part, par les effets culturaux (facteurs agronomiques et opérationnels) et/ou par l'introduction de semences résistantes sur certaines parcelles via des machines agricoles, puisque dans une parcelle qui n’a jamais reçu d’herbicide, la résistance a été détectée. D'autre part, la résistance a pu être sélectionnée par des matières actives à modes d’action différents ; ce type de résistances croisées existe par détoxification de l’herbicide (Délye, 2005). L’influence de l’application fréquemment répétées de matières actives appartenant au même mode d’action ressort également. Malgré les résultats montrant la présence de la résistance chez le ray-grass est fortement corrélée avec le nombre de répétitions des traitements herbicides, ceci reste plus complexe à mesurer étant donné le nombre limité d'années concernant l'historique des herbicides utilisés pour le désherbage (trois campagnes) et l’absence de traçabilité de l’itinéraire technique chez la plupart des agriculteurs. Une fiche indiquant la traçabilité annuelle pour l’itinéraire technique de chaque parcelle doit faciliter pour les agriculteurs d’alterner les groupes d’herbicide et d’éviter de répéter les herbicides de mêmes groupes (Shaner et al., 1997).L’apparition de la résistance peut alors être expliquée parfois par la détoxification de l’herbicide (Délye, 2005) et par la propagation du pollen ou des grains au-delà des frontières d'un champ ou par l’introduction de grains résistants du ray-grass des parcelles voisines (Thill et Mallory-Smith 1997 ; Busi et al., 2008). Morrison et Bourgeois (1995) ont aussi montré que le changement des modes d'actions tous les trois ans uniquement n'empêche pas le développement de la résistance mais l'alternance des herbicides à modes d'action différents et les pratiques culturales appropriés empêchent le développement de la résistance.
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Conclusion
La résistance chez le ray-grass annuel a été détectée par la méthode de RISQ Test aux herbicides inhibiteurs de l’ACCases et de l’ALS. Le dépouillement des enquêtes a montré que plusieurs facteurs ont pu favoriser le développement de la résistance chez le ray-grass. Parmi ces facteurs, il y a les pratiques culturales inappropriées à savoir l’absence de déchaumage, le semis très précoce à précoce, les semences autoproduites ou d’origines inconnues, l’absence de labour, la monoculture et l’absence de l’alternance des groupes d’herbicides. De plus, les analyses montrent que l’apparition de la résistance du ray-grass est fortement corrélée à la fréquence d’utilisation des herbicides inhibiteurs de l’ACCase (R² = 0,982 et P = 0,00903) et de l’ALS (R² = 0,999 et P = 0,00035).
Remerciements
Nous remercions l’Institut National des Grandes Cultures, Syngenta Agroscience et Bioprotection pour la participation et le financement de ce travail. Nous remercions également tous les agriculteurs des zones de prospections.
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