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Analyse de l’efficacité technique des exploitations agricoles : Cas du périmètre irrigué de la région de Sidi Thabet

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E. MESSAOUDI1*

M.T.S GHAIER2

H. AICHI3

M.F. BEJI4

L. ZAIBET5

 

1 Institut National de Agronomisue de Tunisie

2 Institut National de Recherche en Géni Rural, Eaux et Forêt

3 Ecole Supérieur de l’Agriculture de Mograne

4 Ecole Supérieur de l’Agriculture de Mograne

 

Abstract-The region of Sidi Thabet is known for its socio-economic problems of farmers. In order to understand the problems of rural development in this region, we aims to analyze the technical efficiency and its determinants to 64 farms in the irrigated area to reveal a general inefficiency of resource use and importance irrigation in the production process.

 

Keywords: technical efficiency, inefficiency, determinants of efficiency

 

Résumé - La région de Sidi Thabet est marquée par des problèmes socio économique des agriculteurs. Dans le but de comprendre la problématique de développement rural de cette région, nous avons fait une analyse de l’efficacité technique et ses déterminants pour 64 exploitations agricoles du périmètre irrigué pour révéler une inefficience générale de l’usage des ressources et de l’importance de l’irrigation dans le processus de production.

 

Mots clés: Efficacité technique, inefficience, déterminants de l’efficacité

 

1. Introduction

La situation actuelle de la région de Sidi Thabet est caractérisée par des inefficiences économiques ainsi que des problèmes sociaux. Dans la présente étude, nous avons fait un diagnostic approfondi qui a eu pour but d’expliquer les défaillances des exploitations agricoles actuelles par une méthode paramétrique d’estimation de l’efficacité technique.

 

2. Matériels et méthodes

2.1. Échantillonnage et collecte des données

L’échantillonnage de la population des agriculteurs à sonder a été effectué par la combinaison de deux techniques : la méthode des quotas et la méthode aléatoire simple (Beaud, 1984 ; Pires 1997).

Après, nous avons dressés les fiches technico économiques des agriculteurs qui constituent notre échantillon de base.

 

2.2. Typologie des exploitations

Le principal critère d'identification qui a été retenu pour l‘élaboration de la typologie des exploitations agricoles est la pratique ou pas de l’irrigation au sein du périmètre irrigué.

 

2.3. Estimation de l’efficacité technique

Selon Farrell (1957), l’efficacité technique mesure l’allocation des inputs par l’exploitation agricole dans le processus de la production lorsque les proportions d’utilisation des facteurs sont données.

Notre travail se base sur une approche paramétrique de l’estimation de l’efficacité technique comme décrite par Aigner et Chu (1968), Aigner et al. (1977) et Meeusen et Van Den Broeck (1977).

Pour se faire, nous avons procédé à l’estimation d’une frontière stochastique (Aigner et al. 1997).

Pour estimer la frontière de production stochastique, nous avons utilisé le programme FRONTIER 4.1. Ce programme, détermine la frontière de production par la méthode de maximum de Vraisemblance.

 

3. Résultats

3.1. Caractéristiques socio économiques des agriculteurs

L’activité dominante est la céréaliculture avec un pourcentage de 62%, 25% sont des arboriculteurs et 13% entretiennent des cultures maraichères. Les résultats de notre enquête révèlent des chefs d’exploitations âgées, de plus de 45 ans, avec une proportion de 55% des agriculteurs qui ont plus que 70 ans. Ainsi 75% des agriculteurs ont un niveau d’instruction qui ne dépasse pas le niveau primaire. 66% de la population n’octroient pas des crédits pour promouvoir leurs exploitations. 70% des exploitants de la région d’étude sont récalcitrants à l’idée d’être assistés et encadrés par des techniciens ou des ingénieurs et prétendent qu’ils ont eu suffisamment d’expériences pour qu’ils puissent gérer tout seul leurs exploitations.

 

3.2. Analyse de l’efficacité technique

Au premier lieu, nous avons estimé la fonction de production des exploitations agricoles et nous avons obtenus l’équation suivante :

Y = 0,689 + 0,491Ln(INT) + 0,153Ln(MO) - 0,603Ln(Mec) + vii

Y : la valeur de la production agricole du périmètre irrigué en Dinar Tunisien (DT)

INT : les dépenses en intrants en DT

MO : la valeur de la main d’œuvre en DT

Mec : la valeur de la mécanisation en DT

D’après cette frontière nous remarquons que les intrants et la main d’œuvre sont corrélés positivement avec les recettes tandis que la mécanisation est corrélée négativement avec les recettes.

Ce résultat est expliquée par le fait que les exploitations qui dépensent plus d’argent pour la mécanisation sont celles de grandes cultures en pluviale et sont ceux qui ont des efficacités faibles comme nous allons voir après.

Cependant nous procéderons à l’estimation de deux frontières de production : une pour les cultures en irriguée et l’autre pour les cultures en pluvial.

Ln(Yir) = 1,904 + 0,313Ln(Irr) + 0,119Ln(CI) + 0,266Ln(MO) + 0,322Ln(Mec) + vii (1)

Ln(Ypl) = 5,809 + 0,295Ln(CI) + 0,156Ln(MO) + 0,079Ln(Mec) + vii (2)

Avec :

Yir : la valeur de la production pour les cultures en irrigué en DT

Ypl : la valeur de la production pour les cultures en pluvial en DT

Irr : la valeur de l’eau d’irrigation en DT

CI : la valeur des consommations intermédiaires en DT

MO : la valeur de la main d’œuvre en DT

Mec : la valeur de la mécanisation en DT

vi : termes d’erreur aléatoire

µi : terme d’inefficacité.

i=1..n ; n étant le nombre d’exploitations.

Les élasticités production de tous les facteurs sont positives, étant donné que ces dernières sont estimées par les valeurs des βi.

Nous remarquons aussi que pour la frontière (1) les élasticités production de la mécanisation et de l’irrigation sont les plus importantes, respectivement 0,322 et 0,313 au seuil de 1%.

Pour ce qui concerne la frontière (2) nous constatons que les consommations intermédiaires ont l’élasticité la plus importante au seuil de 1%.

Dans la mesure où nous utilisons la forme fonctionnelle Cobb-Douglas de la fonction de production nous pouvons par conséquent déterminer le rendement d’échelle de chaque type de culture en faisant la somme des β, les i allant de 1 à 4 pour la première frontière stochastique et de 1 à 3 pour la deuxième. Le rendement d’échelle est de l’ordre de 1,02 pour la frontière de production stochastique Yir et de l’ordre de 0,53 pour la frontière de production stochastique Ypl. Les rendements d’échelle obtenus sont différents : le rendement d’échelle de la frontière de production Yir est légèrement supérieur à 1, il s’agit donc d’une économie d’échelle croissante pour les cultures en irrigué; quant au rendement d’échelle de la deuxième frontière, nous constatons qu’il est clairement inférieur à 1; dans ce cas nous parlons de rendement d’échelle décroissant, étant le cas le plus rencontré dans l’agriculture.

 

Passons désormais à la présentation des scores d’efficacité.L’efficacité moyenne est de l’ordre de 0,63; ce score nous renseigne sur l’état faible des exploitations agricoles.

Nous remarquons pour les cultures en irrigué que 50% des exploitations sont techniquement efficaces tandis que pour les cultures en pluviale 82% des exploitations sont techniquement inefficaces (20% à 50% d’inefficacité).

Ainsi l’efficacité moyenne des exploitations en irrigué est supérieure à l’efficacité moyenne des exploitations en pluvial, ce qui renseigne sur l’importance de l’irrigation dans le processus de la production.

Ce résultat plaide en faveur de l’élasticité production de l’irrigation qui est significativement plus importante que l’élasticité production de la main d’œuvre et de la consommation intermédiaire.

Dans cette partie nous allons expliquer les scores d’efficacité estimés par le logiciel FRONTIER 4.1 par des facteurs socio-économiques ayant un impact indirect sur la production.

Lorsque nous abordons l’efficacité, il s’agit sans doute d’une variable censurée à gauche de zéro et à droite de 1. Dans ce cas, nous pouvons effectuer la régression de celle-ci sur les variables explicatives exogènes dites déterminants à l’aide d’un modèle Tobit en utilisant le logiciel STATA11.

Nous remarquons que la variable ayant le coefficient le plus important est la variable pratique de l’irrigation, et ce, quelque soit le type de culture : arboriculture, maraichage ou même les grandes cultures. Ce résultat démontre l’importance de l’irrigation.

 

Tableau 1 : Déterminants des scores d’efficacité des cultures en irrigué

Coefficients

Valeurs estimées

t- Student

Constante

0,333

1,35

Niveau d’instruction

0,004

0,14

Situation foncière

0,263

2,6

Octroi ou non de crédit

-0,09

-0,7

Accès à la vulgarisation

0,054

0,47

(Nos calculs, 2014)

 

Tableau 2 : Déterminants des scores d’efficacité des cultures en pluviales

Constante

0,506

11,51

Niveau d’instruction

0,03

4,75

Situation foncière

0,06

0,46

Octroi ou non de crédit

-0,01

-0,83

Présence ou pas d’élevage

0,22

6,27

(Nos calculs, 2014)

 

Nous avons remarqué pour les différents types de cultures (cultures en irrigué et cultures en pluvial), que les facteurs âge et appartenance à un groupement à intérêt économique n’expliquent pas la variabilité entre les scores d’efficacités et cela se traduit par le fait que nous avons trouvé des coefficients non significatifs pour ces variables et cela est justifié par le fait que la plupart des agriculteurs sont âgés et qu'ils appartiennent tous à des groupements à intérêt collectif, ce qui nous a poussé à éliminer ces deux variables.

L’analyse de l’efficacité nous a clarifié l’état des exploitations et les causes des inefficiences, ainsi elle a souligné l’importance de l’irrigation dans le processus de production. Cependant, ces résultats manquent de précision et de détails vis-à-vis du comportement des différents groupes d’agriculteurs.

Pour cela nous avons eu recours à une analyse descriptive multidimensionnelle pour avoir une idée sur les différents profils des exploitants.

 

4. Discussion

D’après nos résultats obtenus à partir de la régression sur le logiciel STATA11, nous avons remarqué pour les différents types de cultures (cultures en irrigué et cultures en pluvial), que les facteurs âge et appartenance à un groupement à intérêt économique n’expliquent pas la variabilité entre les scores d’efficacités et cela se traduit par le fait que nous avons trouvé des coefficients non significatifs pour ces variables et cela est justifié par le fait que la plupart des agriculteurs sont âgés et qu'ils appartiennent tous à des groupements à intérêt collectif, ce qui nous a poussé à éliminer ces deux variables.

L’instruction du nombre d’années d’études primaires, secondaires ou supérieures, est une variable qui a un impact positif sur les scores d’efficacité (0,004 et 0,03) d’après notre résultat, dans le sens où, par rapport à un producteur non instruit, le producteur instruit maîtrise davantage les techniques modernes de production et à par conséquent plus facilement accès aux informations nécessaires sur les prix de marché afin d'optimiser ses achats en inputs à moindre coût. Selon notre modèle de régression, le niveau d’instruction a un impact positif sur l’efficacité technique des exploitants. .

  • Situation foncière

Il existe une relation positive entre la situation foncière et le niveau d’efficacité (0,263 et 0,06) d’après notre résultat. Car les producteurs ayant une situation foncière réglée ont plus de chance d’octroyer des crédits et d’obtenir les aides nécessaires permettant de rendre leurs exploitations plus efficaces que les autres n'ayant pas de situation foncière.

  • Octroi de crédit bancaire

Si les fonds obtenus par les agriculteurs à travers les structures de prêts servent à l’achat d’intrants ou à la mécanisation, le crédit influence positivement l’efficacité des exploitants. Toutefois, notre étude a abouti à une relation négative et significative entre le crédit et l’efficacité (-0,01 et -0,09) d’après notre résultat. La cause majeure de cette relation négative est expliquée par le fait que est que ces agriculteurs n’utilisent pas les fonds obtenus pour l’intensification agricole mais les utilisent pour d’autres fins telle que l’amélioration de leur niveau de vie.

  • Accès à la vulgarisation

L’analyse du coefficient attribué au facteur accès à la vulgarisation, étant de signe positif (0,054) d’après notre résultat, révèle que pour les cultures en irrigués l’effort fait pour la vulgarisation contribue à l’amélioration de la production; de ce fait l’accès au service de vulgarisation réduit l’inefficacité technique des producteurs.

  • Présence d’élevage

Ce déterminent a l’impact le plus important sur l’efficacité des cultures en pluvial, soit 0,22. D’ailleurs l’intégration d’un système d’élevage bovin dans les exploitations de grandes cultures fait augmenter les recettes de l’exploitation considérablement, ce qui induit à son tour l’amélioration des scores d’efficacité.

 

5. Conclusion

Ce travail a porté sur l’analyse de la performance des exploitations agricoles de la région de Sidi Thabet. L’échantillon a été effectué sur 64 exploitants dans la région de Sidi Thabet. L’estimation de l’efficacité a été faite par une méthode paramétrique stochastique.

Les résultats de la fonction Cobb-Douglas estimé indiquent que tous les facteurs de production (consommations intermédiaires, mécanisation, main d’œuvre et l’irrigation) contribuent positivement et significativement à l’amélioration de l’efficacité technique et des recettes. L’analyse comparative des élasticités de production par rapport aux facteurs révèle que l’impact du facteur irrigation est le plus important dans le processus de production des cultures en irrigué et que la mécanisation est le facteur le plus important dans les cultures en pluvial.

L’estimation des déterminants de l’efficacité technique montre que les variables relatives à l’accès à la vulgarisation, le niveau d’instruction, la situation foncière et la présence d’élevage pour les cultures en pluvial ont un effet positif sur l’efficacité technique. Toutefois, la variable octroi de crédit bancaire est négativement corrélé à l’efficacité technique.

À la lumière de ces analyses, nous avons essayé de faire ressortir les causes du sous développement de l’activité agricole dans la région de Sidi Thabet.

 

6. Références

Aigner, D-J., Lovell, C-A., Schmidt, P. (1977).Formulation and Estimation of Stochastic Frontier Production Functions. Journal of Econometrics, vol. 6, pp. 21-37

Aigner, D-J., Chu, S-F. (1968). On Estimating the Industry Production Function. The American Economic Review, vol. 58, n°. 4, pp. 826-839

Pires.A. (1997). Echantillonnage et recherché qualitative: essai théorique et méthodologique

Farrell, M-J. (1957). The Measurement of productive Efficiency. Journal of the Royal Statistical Society. Series A (general) 120, n°3, p. 253-290.

Meeusen, W., Van Den Broeck, J. (1977). Efficiency Estimation from Cobb-Douglas Production Functions with Composed Errors. International Economic Review, vol. 18, pp. 435-444.

Beaud, J.-P. (1984). Les techniques d’échantillonnage, Presses de l'Université du Québec.

 

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